Je m'abonne
Cinéastes Invités

À propos des choses qui me gossent (édition Party Mix)

par Philippe David Gagné

En m’inspirant du plus grand rôle au cinéma de feu Heath Ledger, Ten things I hate about you, voici dix choses que je déteste du cinéma, au sens très large. Soyez averti, mon côté hater ressort un tantinet ici.

1- Parler fort dans une salle de cinéma. Tu serais un accompagnateur de Rêves d’enfants en train d’expliquer, plan par plan, le dernier Harry Potter à une jeune aveugle en phase terminale dont l’ultime souhait avant de trépasser serait d’aller voir le film au cinéma que je te lancerais un « ta yeule » bien senti sans aucune gêne. Le cinéma est un temple, j’ai pas payé 15$ (ou 60$ pour le voir en imax-siège-qui-bouge-machin) pour entendre ton avis sur le fait que le livre est meilleur, buddy. J’ai le fantasme de suivre un parleux de film jusqu’à chez lui pour lui faire subir la même chose dans son propre salon. Je suis sur que le juge serait compréhensif.

2- Quand un réalisateur ou un acteur, quelque part, flirte avec la métaphysique municipale : « Ah, Montréal est vraiment un personnage central du film ». Non. New York ou Barcelone ne seront jamais des personnages de films. Ceci dit, je l’ai probablement déjà dit moi-même et si je pouvais retourner dans le temps, à ce moment précis, j’me crissais une claque sua yeule. Mais j’ai grandi. Et j’ai compris. Faque, si ça te tente de dire une variante de ça, watch-toé quand je suis dans l’coin.

3- « Êtes-vous étudiants en ATM ? » Quand tu fais de la production en région, dès que tu sors ton kodak, sois on te prend pour des étudiants (come on dude, check ma face, j’ai clairement pas 17 ans) soit on se fait dire : « Vous travaillez pour TVA ? ». Maintenant, on dit toujours oui.

4- Les festivals de films. Un des principaux moteurs de mon anxiété sociale est la conscience perpétuelle que l’authenticité est un liant déficient. En d’autres mots, j’ai ben de la misère avec le small talk dans la vie. Chaque fois que j’en fais, j’ai l’impression de me faire prendre en flagrant délit par mon interlocuteur. Qu’il s’en rend compte et me juge gravement. Fait que, des, fois, j’ai l’air Asperger. Et c’est surtout dans les festivals de films que ça se passe. Probablement parce que le reste du temps, j’écoute des Chef’s Table en vidant une boîte de mini-wheat.

5- Le « heille, j’ai une idée de film pour toi ! ». C’est pas mal smatt, le partage pis l’altruisme, mais 97% du temps, c’est une idée de marde. Et des idées de marde, j’en ai 8 par jour. J’ai trois cents documents word avec juste un titre pour le prouver.

6- Le temps et ses voyages. Le principe du paradoxe échappe à la majorité des scénaristes de science-fiction traitant du voyage dans le temps. Pourtant, c’est pas mal LA chose que tu devrais comprendre quand tu t’attèles à écrire/réaliser de la scifi. Mais pour nombre d’errances et de plot holes, il y a Primer, que je ne réussis toujours pas à comprendre complètement. Dans le bon sens.

7- Les shots de drone. C’est presque rendu laid tellement y’en a. Ça pis l’abus de slow motion. Ah oui, pis le drone en slow motion. Ya toujours ben des limites à être épique, calvasse.

8- Que les familles québécoises dépensent, en moyenne, 43$ par année au cinéma, soit la moitié que l’Ontario. Je ne sais pas ce qui me dérange le plus, le ridicule 43$ par année, par famille de surcroit (et probablement dépensé sur un blockbuster), ou le fait que l’Ontario, avec son famélique cinéma canadien, fasse deux fois mieux que nous avec notre cinéma national. On va avoir besoin d’une politique particulière avant longtemps pour ramener le public dans nos cinémas, voir nos films québécois, de préférence. Ça n’en a pas, de bon sens. Cibole.

9- Le Québec est la Mecque de l’humour (mettons…) mais on est incapable (ou presque) de faire une comédie qui a de l’allure. À qui la faute? Fouille-moi. Mais ça aiderait peut-être à ce que le point 8 de cette liste disparaisse. Je t’entends déjà : « Fais-en une, toi, comédie, gros lâche! ». Un jour, un jour. En attendant, Claude Meunier, réveille sacrament. Ding et Dong, la suite ? Je vois pas ce qui pourrait mal aller…

10- Les 3,5 étoiles aux films québécois. Presque toujours 3,5 étoiles. On voit toute la pitié/complaisance du monde dans cette petite demie-étoile-là. Comme une tape awkward dans le dos par le professeur qui se dit que tu feras mieux la prochaine fois. 3,5, c’est le prix plancher du film québécois, parce que plus bas, notre cinéma s’en remettrait pas, c’est-tu ça ?

Voilà une infime dose de mon fiel. J’aurais pu faire les 10 choses que j’aime du cinéma (au sens large) mais ça serait moins amusant. Pour moi, en tout cas.

 


19 avril 2017