Berlin – Le Passage du temps au Goethe Institut
par Pierre Hébert
Depuis jeudi dernier, 15 janvier, mon installation vidéo Berlin – Le Passage du temps peut être vue tous les soirs sur des écrans placés dans trois vitrines extérieures du Goethe Institut à Montréal, coin Ontario et St-Laurent. L’installation avait d’abord été montrée au Forum des Images à Paris en mars et avril 2014, puis à la Cinémathèque québécoise pendant six mois, de mars à août dernier. Il y a également eu des présentations à Brno, en république Tchèque, et à Vienne, en octobre et novembre. La présentation du Goethe est différente pour deux raisons. Premièrement, j’ai dû réorganiser la matière pour une présentation sur trois écrans, dont seulement deux, sur le boulevard St-Laurent, sont visibles simultanément. Le troisième écran, sur la rue Ontario, est isolé. L’installation d’origine fonctionnait à quatre écrans juxtaposés, visibles simultanément. Deuxièmement, les «visiteurs» prennent contact avec l’œuvre de l’extérieur, sur la rue. Ce sont donc plus des passants que des «visiteurs». Je ne peux pas m’attendre à ce qu’ils restent aussi longtemps devant les images. En fait, l’installation est plutôt devenue une œuvre d’art publique, présente dans l’espace urbain, livrée à un contact occasionnel avec les gens qui passent par hasard, à pied, en voiture ou en autobus, et qui peuvent en saisir des bribes selon leur disponibilité d’esprit. Sauf exception, les gens ne se déplaceront probablement pas pour venir la voir. Je trouve ça bien agréable qu’elle trouve ainsi une nouvelle vie dans des conditions qui en transforment la portée. J’avais déjà passé pas mal de temps à la Cinémathèque, incognito, à observer le comportement des visiteurs. Je pense bien que je vais faire la même chose au Goethe.
Quant au passage de quatre à trois écrans, placés selon une géométrie très différente, j’ai trouvé cela fort intéressant. Cela m’a conforté dans le fait que ce qui m’intéresse n’est pas tant la construction d’un objet à écrans multiples, mais l’exploration de l’infinité de relations potentielles à l’intérieur d’un certain stock d’images. Dans la version initiale de l’œuvre, cela se réalisait du fait que les quatre boucles étaient de longueurs différentes, donc sans synchronisation, et qu’elles étaient constamment placées dans des relations nouvelles. Il aurait fallu 1200 ans pour revenir à l’état initial. En conséquence, pour moi, réorganiser la matière sur trois écrans n’impliquait pas la destruction d’une forme, il s’agissait plutôt de la poursuite d’une recherche dans une autre direction.
On peut également visiter la version Web de l’installation où tant la disposition spatiale en damier que la régie aléatoire de l’alternance des séquences mènent à d’autres pistes de mise en relation de la même matière et proposent une expérience très différente. Avec ma nouvelle installation vidéo Tour de France à Utrecht, à deux écrans juxtaposés celle-là, je poursuis dans la même voie.
21 janvier 2015