Ce qui va à l’un ne va pas nécessairement à l’autre
par Jean-François Lesage
Pour le blogue de 24 images du mois de mai, j’ai décidé de mener une petite enquête : quels sont les aphorismes, les citations, les fragments de sagesse qui habitent le processus créatif des cinéastes et des artisans, artisanes du cinéma ? J’en ai contacté une quarantaine. Certains ont puisé dans le journal de leurs propres pensées sur le métier, d’autres nous livrent des joyaux venant d’artistes, de philosophes ou d’illustres anonymes. Voici ce que j’ai recueilli.
PS : désolé chers lecteurs, je n’ai pas traduit toutes les citations en anglais. Je ne voulais pas m’aventurer dans une traduction approximative de Lord Byron, Bukowski ou Virginia Woolf.
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Karl Lemieux
There is one way you are never gonna convince people and it’s when you try.
Genesis Breyer P-Orridge / Throbbing Gristle
Out of the work comes the work.
John Cage
Ce qui va à l’un ne va pas nécessairement à l’autre.
Marquis de Sade
(…) plus on accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins on comprend sa propre existence et son propre désire.
Guy Debord
Tout l’art est maintenant devenu tout à fait un jeu (…) et que ce qui maintenant est fascinant, c’est (…) qu’il faut vraiment approfondir le jeux pour aboutir à quoi que se soit de bon.
Francis Bacon – peintre
This song is for you shit! It’s called dream. It’s all you got you know. They wanna put you away to some fucking concentration camp or whatever… It’s fucked. Right? It’s coming your way. But remember one thing. You got your dreams and they are never gonna take that away!
Alan Vega / Suicide
L’image de couverture est tirée du dernier court métrage de Karl Yujiapu qui n’a pas encore été présenté à Montréal. C’est un film 35mm CinémaScope vertical.
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Samara Grace Chadwick
1. Éloge perpétuelle du Chiac, la langue de cheu-nous, animée par la douce puissance et fluidité magique des Acadiens. Le film 1999 est presqu’entièrement en Chiac, même la soundtrack reprend des covers des nineties (Pearl Jam, Zero Degrés Celcius, Eric’s Trip) avec des paroles en Chiac, traduites et interprétées par Julie Doiron, Gabriel Malenfant, Joseph Edgar Poirier – et Vivianne Roy (aka Laura Sauvage).
J’ai rencontré Vivianne par hazard à Montréal, lorsqu’elle m’a ébranlé le coeur en interprétant ‘Chelsea Hotel’ de Cohen au théatre Rialto. Plus tard, quance qu’on shuckait des huitres de Cap des Caissie, elle m’a dit:
C’est right great que tu fasses un film en Chiac: si qu’y’faudrait qu’on parle le francais correct, il faudrait qu’on dise les choses correctes.
2. Je pense beaucoup au langage dernièrement – pas dans le sens identaire qu’on connait bien, mais plutôt par rapport aux limites du language, à notre emploi de mots pour décrire, encadrer, définir, notre expérience du monde. L’absence du langage est centrale au film 1999, qui traite de choses inédites, d’oubli, d’horreur. J’aime bien la dernière citation de Mémoires, le premier livre de Guy Debord (et l’artiste Asger Jorn), publié en 1958 avec une couverture en papier de verre – pour écorcher les livres qui le côtoient 🙂
« je voulais parler la belle langue de mon siècle »
Debord, phrase empruntée à Baudelaire <3
3. Une citation/un texte qui m’accompagne quotidiennement dans mon travail de programmation, à la recherche d’oeuvres qui détournent la facilité, la banalité, du cynisme. Je pense de plus en plus que notre capacité d’affection envers le réel, envers les gens (envers toutes leurs complexités), fait écho au spleen de Baudelaire, à l’antagonisme espiègle de Debord. Et, de nos jours, cette affection peut être tout aussi puissante/essentielle, tout aussi politique – voire même anarchique (dans l’esprit des Acadiens)
How might a film take up a reparative relation to an embattled real? It might involve assembling rather than dismantling, fortifying belief rather than debunking false consciousness, love rather than skepticism.
Erika Balsom, The Reality-Based Community
Cette image est tirée du film 1999 de Samara
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Khoa Lê
You don’t need to understand everything
Weerasethakul
Rien ne distingue les souvenirs des autres moments: ce n’est que plus tard qu’il se font reconnaître, à leurs cicatrices.
Chris Marker
Cette image est tirée du film Bà Nôi de Khoa.
17 mai 2018