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Cinéastes Invités

Des bois pas si brillants.

par Vincent Biron

Dans mon précédent billet, je décrivais avec entrain notre fulgurant passage à un match des Remparts de Québec, qui nous brièvement donné l’impression d’avoir entre les mains un potentiel concurrent pour le billet d’or, cette récompense qui célèbre chaque année le film québécois ayant attiré le plus de spectateurs dans les salles. Signature d’autographes devant un horde de fans de Jean-Michel Anctil, lancer de t-shirt dans une foule en délire; j’ai envisagé pendant un bref moment un futur où Les Barbares de la Malbaie atteindrait un box-office qui chaufferait les fesses émaciées du Joker de Joaquin Phoenix.

Puis nous avons fait le même exercice à Boisbriand. Sans Jean-Michel Anctil.

C’est fou à quel point trente ans de carrière en humour peut marquer l’imaginaire collectif. Sans rien enlever à mon cher Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques et son public résolument urbain, il semble que Priscilla, Râteau et les innombrables numéros d’Anctil sont profondément gravés dans la mémoire des gens hors Montréal, et c’est plutôt penauds que nous avons découvert le manque flagrant d’intérêt des gens de Boisbriand pour notre film en l’absence de l’illustre humoriste.

Après de longues minutes d’attente, à nous demander si nous étions venus à ce match de l’Armada en vain, un jeune homme à l’air timide, début vingtaine, s’avance vers la table de promotion où se tiennent Philippe-Audrey et Justin. Fan de Like-moi, il désire une photo avec l’interprète de « Je choisis Jonathan ». Satisfait du cliché, il s’éloigne en posant un regard totalement désintéressé sur l’affiche de notre film. Curieux de ses goûts de cinéma, je le rattrape, et lui demande quel genre de film il regarde en général. L’air un peu gêné, il m’avoue qu’il ne va pas au cinéma. Je tente désespérément de le convaincre de donner une chance aux Barbares de la Malbaie, lui promettant rires et émotions, mais il s’éloigne prestement, l’air vaguement apeuré par mon pitch de vente qui sent à plein nez le désespoir malaisant du cinéaste en manque de spectateurs.

C’est à ce moment que je me dis que j’aurais peut-être dû aller voir le nouveau Denis Côté aux RIDM, au lieu de m’adonner à cet exercice débobinant.

Cela-dit, malgré cette déprime passagère, je ne renie en rien la démarche. De plus j’ai eu droit hier à une première montréalaise absolument splendide, et j’ai pu constater que le film rejoint son public de jolie façon, suffit seulement que le public y soit. Ma volonté de faire un film généreux, tout en douceur où le rire côtoie les larmes semble avoir porté fruit, mais mon expérience à Boisbriand m’a laissé songeur. Comment rejoindre le gens? Comment les convaincre que le grand écran peut porter des histoires aussi prenantes que celles de Netflix, ou des émotions aussi vive qu’un match de hockey? La prochaine étape de notre tournée nous amènera mercredi à Shawinigan, pour un match des Cataractes. J’espère, peut-être en vain, y trouver quelques pistes de réponse.

 

Photo d’en-tête: Phil et Justin


21 novembre 2019