entrevue avec André Ouellette
par Kristina Wagenbauer
André Ouellette est un de mes premiers et plus grands amis que j’ai rencontré en arrivant à Montréal! C’est un musicien et compositeur très talentueux, ainsi qu’un homme sensible, drôle et généreux. Je me sens chanceuse d’avoir travaillé avec lui à plusieurs reprises, et j’espère pouvoir le faire à nouveau bientôt.
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Explique-moi un peu ton parcours en tant que compositeur de musique de film.
Avant de commencer à faire de la musique, j’étais comédien, sortant de l’école de théâtre de St-Hyacinthe. Mais malheureusement, ma carrière ne fonctionnait pas, et elle ne me donnait pas de satisfaction. Une part de moi était frustrée : la part créative. Alors dans un moment d’égarement total, ne sachant pas trop ce que j’allais faire de ma vie, un ami m’a conseillé d’aller faire une retraite de silence en Gaspésie. Ce que j’ai fait. J’étais sur le bord de la mer, en silence, et j’écoutais les sons qui m’entouraient. Les oiseaux chantaient fort et avec intensité et après un certain temps, j’ai réalisé que j’entendais une mélodie. C’est alors que j’ai pris conscience que j’entendais de la musique partout, même lorsqu’il n’y en avait pas, et que je n’avais jamais rien fait avec ça. Je suis donc revenu de ma retraite de silence avec le goût d’apprendre à composer de la musique, ce que je fais depuis 2005.
La musique de film s’est imposée rapidement dans mon processus créatif. Premièrement parce que je suis un fan de cinéma, j’ai d’ailleurs travaillé pendant 5 ans à La Boite Noire, mythique club vidéo de Montréal qui a fait toute ma culture cinématographique. Et deuxièmement parce que mon imaginaire m’a toujours donné des images avec la musique que j’écoutais dans ma jeunesse, et donc aujourd’hui, il m’est très facile de mettre de la musique sur des images qu’on me donne. C’est d’ailleurs très souvent l’image qui va me dire quoi faire, je regarde plusieurs fois le film sur lequel je travaille et très rapidement, de la musique apparaît dans ma tête et il ne reste plus qu’à créer.
C’est très important pour moi de ne pas imposer au film ce que je voudrais entendre mais bien de laisser le film me dire ce qui lui servira le mieux pour appuyer son histoire, c’est parfois difficile, mais il me semble que c’est la meilleure façon de travailler en cinéma.
J’ai eu la chance de commencer avec Kino Montréal, cabaret de création cinématographique, qui m’a offert l’opportunité de créer de la musique de film avec une grande liberté et d’explorer la composition sur trame narrative sur des œuvres complètement éclatées. C’est avec un film de Kristina Wagenbauer, Soul Symphony, que j’ai développé mon style. L’idée était de créer de la musique à partir des sons de la réalité, de créer des mélodies à partir des sons qui avaient été captés durant le tournage. Je suis tombé en amour avec cette façon de faire. Kristina et moi avons ensuite poussé le concept plus loin en créant un film qui racontait l’histoire d’une petite fille qui composait de la musique à partir de sa réalité, ce qui a donné naissance à Mila. Aucun instrument de musique a été utilisé pour composer la musique, seulement les sons du tournage. Une technique similaire à été utilisée pour les films de Anastasia Boulakova et de François Jacob, sur lesquels j’en aurais aussi long à dire.
Aujourd’hui, ma technique s’est développée et s’est élargie. Dans Los muertos no quieren nadar, réalisé par Brigitte Bousquet et Marco Bentz, un documentaire sur l’Amazonie et les répercussions de la conquête des conquistadors, j’ai créé une musique ambiante et atmosphérique à partir de parcelles de musique espagnole traditionnelle et de musiques amazoniennes que j’ai étirées, transformées afin d’appuyer le sujet du film qui est l’histoire de ces deux réalités qui se sont confrontées. Même si on ne peut pas reconnaître les sons et les musiques d’origine qui ont servi de matériel de base, je crois qu’on peut sentir les émotions propre aux deux cultures, et ces émotions servent maintenant à raconter une toute autre histoire. C’est un peu comme faire du recyclage finalement avec des vieux sons et les transformer pour leur permettre d’être plus modernes et de servir un autre sujet.
Qu’est-ce que te fait « tripper » le plus dans ton métier?
Être au service des films et des images pour leur donner encore plus de vie et de réalité. Chaque projet sur lequel je travaille exige de moi quelque chose de différent et une adaptation, une écoute particulière qui me demande de me renouveler sans cesse. Même si j’utilise des techniques qui se ressemblent, le processus change toujours, et c’est un défi constant. Je dois travailler mon écoute et approfondir mes connaissances du son à chaque nouveau projet, ce qui fait que mon métier ne se répète jamais. C’est une qualité dont je ne pourrais pas me passer.
Quel est ton plus grand rêve de compositeur?
Faire une musique pour un film de science fiction. Je suis tellement fan de la science fiction, ce serait la chose la plus extraordinaire au monde, je dirais même un rêve d’enfance qui se réaliserait.
Qu’est-ce que tu aimes le plus de la composition de musique de films?
Et le moins?
Il y a peu de choses que je n’aime pas dans mon métier, mais bien sûr, lorsque je n’arrive pas à combler les besoins d’un réalisateur, d’un film ou si je ne trouve pas la musique qui convient, c’est très dur. Je dirais que le plus difficile c’est de dépendre du désir des autres.
Quelles sont tes trois musiques de films préférés et pourquoi.
Blade Runner, les deux films (le plus vieux et le plus récent), The Mission, 1492 conquest of paradise, Drive, Arrival, Bleu, sont des musiques exceptionnelles. Chaque fois que je les écoute, je perds le sens de la réalité et j’entre dans un monde imaginaire sans aucun effort, ce sont des musiques de films qui me font voyager, une qualité importante à la musique de film.
As-tu quelque chose à nous faire écouter?
Et un lien pour voir Mila: https://vimeo.com/
Password: superman
30 octobre 2018