Entrevue avec Natalia Doncheva
par Kristina Wagenbauer
Dans mon métier on ne s’en sort pas si on ne travaille pas vraiment fort. Vraiment, vraiment fort. Genre, un peu trop fort.
Des fois par contre, le travail ne suffit pas. Il y a un facteur chance qui entre en jeu. Un facteur qui n’est pas vraiment compréhensible et qui est peut-être d’ordre mystique, karmique ou holistique. Je ne sais pas. On parle souvent de “la magie du cinéma”.
Notamment en pré-production : on capote, on capote et puis, tout finit par s’arranger. Toujours, peu importe la situation. Connaissez-vous ça?
Ça m’est arrivé lors de mon processus de casting pour Sashinka.
Il fallait que je trouve une actrice pour jouer Elena, la mère russe et excentrique de Sasha.
Il fallait que ça soit crédible avec Carla Turcotte, qu’elle parle russe, qu’elle soit à l’aise en impro et qu’elle possède un sens naturel de la comédie, sans tomber dans le caricatural.
Je n’avais pas trouvé cette personne à Montréal, alors je suis allée à Paris pour rencontrer quelques comédiennes que j’avais trouvé en ligne. Une fois à Paris, je me suis rendue compte qu’aucune des femmes que j’avais prévu de rencontrer ne faisait l’affaire.
Je capotais.
Je ne pouvais pas repartir de Paris sans mon Elena, qu’est-ce que j’allais faire? Reporter le tournage? Réécrire le film pour que ça soit une histoire mère-fille, sans mère?
J’étais désespérée.
Mon amie Nolwenn a alors pris l’ordinateur et en deux clics, je ne sais pas comment, elle est tombée sur Natalia Doncheva.
En regardant son profil imdb, j’ai ri: « Une actrice de ce calibre n’acceptera jamais de faire un film à micro-budget québécois. Elle a entre autres joué aux côtés de Thierry Lhermitte et Vincent Lindon. Impossible! ».
Finalement, Natalia a lu le scénario et elle a accepté de me rencontrer et même de passer en audition.
J’ai tout de suite su que c’était elle.
En plus, comme par magie, elle a le même nez et le même grain de beauté sur l’épaule droite que Carla.
Natalia a apporté plus de profondeur et de contraste au personnage d’Elena que ce que je n’aurais jamais pu imaginer. C’est une grande comédienne. Je suis tellement honorée et chanceuse d’avoir eu la chance de travailler avec elle et j’espère avoir plusieurs autres occasions de le faire.
Comme mon blogue est maintenant constitué d’entrevues, je ne pouvais pas me passer de l’interviewer.
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Comment as-tu décidé de devenir comédienne?
Au début, quand j’habitais encore en Bulgarie, j’ai surtout lutté pour ne pas le devenir. Je voulais faire des études en médecine ou en relations internationales.
Mais ça n’a pas duré très longtemps, un ami de mon père m’a proposé de prendre un rôle au pied levé dans un film bulgare et après avoir fini le film je me suis inscrite au conservatoire de Sofia.
Mon père, qui était un acteur très connu en Bulgarie, ne voulait absolument pas que je devienne comédienne, il trouvait que c’était trop dur pour les femmes et il a tout fait pour que je ne rentre pas au conservatoire, mais j’ai passé l’audition et j’ai quand même été prise.
Après deux ans de conservatoire, j’ai décidé de partir de Sofia et d’essayer de faire ce métier ailleurs et c’est comme ça que j’ai atterri à Paris. Dans un pays qui avait l’air d’une autre planète.
J’ai dû tout réapprendre, la communication, le rapport avec les gens, tout! C’était comme renaitre. Au bout de 2 ans, on m’a proposé de jouer dans une pièce de théâtre et ma carrière a commencé.
Qu’est-ce que ça t’apporte le jeu?
De ne plus être moi-même, car être moi-même tout le temps ça m’embête.
Quel est ton rôle le plus important?
Sashinka a été un rôle qui a rempli mon coeur. J’ai adoré la liberté et la folie du personnage d’Elena. J’ai aussi adoré la collaboration avec toi !
Le plus difficile?
En France beaucoup de choses passent par le texte, et je me retrouve souvent avec beaucoup de répliques qui disent tout, qui expliquent tout et du coup il ne me reste plus rien à jouer.
C’est quoi ton plus grand rêve de comédienne?
Travailler, travailler, travailler.
Est-ce que tu voudrais venir travailler au Québec un jour?
Je voudrais venir travailler au Québec tous les jours! J’ai l’impression que tout est possible au Canada.
Tu as joué avec beaucoup d’acteurs très connus, c’est lequel ton préféré?
Je vais bientôt jouer avec Daniel Auteuil. Je sais que je vais être très impressionnée, car c’est un sublime acteur !!!
Qu’est-ce que te fait rire?
Moi. J’essaye de ne pas me prendre au sérieux!
Qu’est-ce que te fait pleurer?
Moi. Des fois je me trouve pathétique. Aujourd’hui j’ai pleuré, car j’ai vu un petit chat se faire écraser. Je suis très sensible à la cause animale. Mes amis se moquent beaucoup de moi.
Tes 3 films préférés et pourquoi:
Là tu me tues …. c’est tellement difficile …. à chaque âge j’ai eu un film préféré ….
Ok d’abord donne moi ton film de l’année passée, un film d’il y a 10 ans et celui de quand tu avais 10 ans!
L’année dernière : Faute d’amour d’Andrey Zvyagintsev
Il y a 10 ans: Soleil trompeur de Nikita Michalkov
Et quand j’avais 10 ans ma grande-mère bulgare nous a emmenés voir un film français en Bulgarie, ce qui était très rare : Le vieux fusil. On est sortis tellement terrifiés avec mon frère qu’on n’a pas mangé pendant une semaine.
P.S. Sashinka est maintenant disponible en location sur ILLICO et le sera très bientôt sur iTunes, ainsi que Viméo.
Et vous pouvez voir Natalia Dontcheva à côté de Cecile de France et Edouard Baer dans Mademoiselle de Jonquière en salle au Québec à partir du 16 novembre.
26 octobre 2018