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Cinéastes Invités

François Blouin, blogue n°5

par François Blouin

Un soir cette semaine, suite à une pluie verglaçante amusante tellement elle ne fait pas vraiment glisser… Je sors de la chic salle du Cinéma Moderne. Chic comme un petit bijou dans lequel peut se refléter la lumière (ce n’est pas un secret, j’adore les petites salles de cinéma: blog# 1-2-3-4). Cette salle nous rapproche littéralement du film. 50 sièges c’est permettre une forme d’expérience intime comme celle d’une classe. Endroit parfait pour se sentir dans une petite cachette à l’abri du monde. (J’en profite pour saluer l’audace et la passion d’Alexandre D., le propriétaire qui vient d’ouvrir. Et puisque j’aime bien quand les journalistes nous avertissent lorsqu’un voyage est payé par les producteurs du film dont ils traîtent, ou lorsqu’ils mentionnent leurs liens avec la personne interviewée, que les masques tombent, oui oui, Alex est un ami de longue date, on a étudié ensemble en cinéma, mais bon, s’il fallait que l’on s’empêche de faire l’éloge des bons coups des gens sous prétexte qu’on les connaît, qu’on les aime, je ne sais plus ce qu’il resterait dans certains médias. Bon bon… j’ai fait mon point. Longue vie aux projets d’Alex et son équipe du Cinéma Moderne !). Un autre détail… il y a aussi un café rattaché au cinéma… avec des ti-buns au saumon crissement bons (je parle de bouffe, j’ai aussi parfois envie/besoin d’être à la mode.)

Bref, j’y ai vu un excellent film du nom de Claire l’hiver de Sophie Bédard Marcotte. (Je ne la connais pas, ce n’est pas une amie ni une collègue… j’aime aussi des films et des restaurants de gens que je ne connais pas…)

Excellent le film ? Oui excellent !

On sent l’amour du cinéma tout au long du film, le désir d’utiliser le 7e art pour explorer, pour toucher, pour raconter une histoire simple, drôle et sensible. C’est un film personnel, on sent de l’amour de la vie dans tout ça. C’est la beauté grandiose du bricolage ingénieux dont le brio ne fait jamais ombrage au propos. En gros, c’est l’histoire d’une fille qui passe le temps, qui tente de trouver sa place d’artiste dans le monde, qui tente d’être en relation… Jusque là rien de très original, mais la manière avec laquelle c’est raconté fait de tout cela un magnifique opus pour l’esprit.

C’est aussi un peu l’histoire d’un chat… Pour qu’un chat m’amuse, me touche, il faut vraiment qu’il soit attachant ou que la cinéaste en fasse quelque chose de pertinent… Je déteste affectueusement les chats. Mais bien sûr que je n’en laisserais pas un mourir si je pouvais faire quelque chose pour lui. Bin oui ! Je ne les aime pas c’est tout. C’est  probablement parce que j’en suis monstrueusement allergique. C’est rien pour m’aider. Ça s’est probablement déclenché suite à une vie commune avec les deux chats qui appartenaient à une ex-copine. J’en ai même sauvé un d’un potentiel feu un soir. Je l’ai sauvé parce que j’aimais ma copine qui aimait son chat, donc selon un syllogisme platonicien simple (a=b , b=c, donc a=c), j’aimais son chat. Je suis donc entré avec un pompier dans l’appartement pour aller me « battre » avec le chat qui ne voulait pas sortir d’en dessous du frigo. Connard de félin fétiche de frigo… J’eue donc droit aux rires du pompier en écho dans son masque à oxygène détaché et quelques grafignes plus tard, je sortis la bête de l’appartement qui n’a jamais passé au feu finalement. Puis allergies. Voilà. D’ailleurs, fait étrange, je ne sais plus très bien si j’ai réussi à sortir le chat au bout du compte, mais j’ai eu des grafignes, ça c’est clair.  Donc dans le film qui nous occupe, un chat excellent comédien… Qui nous rappelle que le sujet principal de Youtube peut aussi être pertinent narrativement.

Bref un excellent film aussi parce que c’est fait d’un regard que l’on sent intègre, sincère: pas de scène ou de répliques que l’on sent rajoutées pour plaire, pour gagner un rire facile, pour avoir l’air intelligent. Y’a même des moments un peu plates, mais ça fait du bien aussi. C’est comme un journal du quotidien. On sent la spontanéité. C’est peut-être le grand luxe des films sans budget, les délais y deviennent plus évanescents. Le film a été monté sur plusieurs mois et ça parait, dans le bon sens du terme. On ne fait pas du « cinéma du sentiment » comme on raconte une histoire avec un début un milieu et une fin avec un punch. Ici il y a plein de punchs, presqu’à chaque plan, une mini-surprise de mise en scène, un détail apparait, tout est dans la minutie et ça touche le spectateur qui a envie de partir à l’aventure comme dans un bazar plein de surprises.

Par moment, j’étais transporté 25 ans en arrière, assis dans l’ancienne salle du Cinéma Parallèle, pas celle de l’Excentris, l’autre avant celle-là, plus haut sur St-Laurent. Le Cinéma Moderne rappelle vraiment l’atmosphère duo cinéma/café de cette époque. C’était d’ailleurs dans le dit café Méliès du Cinéma Parallèle, sur fond de ce mur de brique qu’avait été prise la magnifique photo de Al Pacino discutant avec Claude Chamberland, photo que j’avais découverte au défunt EuroDéli, sur St-laurent aussi, qui à chaque fois me faisait rêver au cinéma alors que j’y mangeais des tortellinis au pesto sans sauce avec beaucoup de parmesan. Il y avait aussi une immense photo de Fellini au EuroDéli. C’était un peu le paradis. D’où mon amour pour la bouffe et le cinéma peut-être… je ne sais pas.

Bref, je me suis vu 25 ans en arrière au Cinéma Parallèle version originale, ayant un choc cinématographique assez puissant, j’y voyais un film québécois qui soudainement me semblait être bien de mon époque… avec une trame sonore de John Zorn… du noir et blanc incroyable… des plans séquences magnifiquement chorégraphiés mettant en scène des humains qui rigolent, ou qui pensent sans parler… Bref je venais de découvrir ZIGRAIL d’André Turpin (devenu mon mentor mais ceci est une autre histoire). Je pourrais en parler pendant 10 pages, et revenir sur un travail d’Université que j’avais fait sur ZIGRAIL et LE CHAT DANS LE SAC de Gilles Groulx, deux films avec des thèmes très semblables mais avec des points de vue bien différents… la trame musicale en témoignait bien… JOHN COLTRANE pour Groulx… (oui oui du Coltraaaane pour un film québécois… c’est malade… ) et ZORN!!!! pour Turpin… J’avais du fun comme au party de danse de Musique Plus organisé à mon école secondaire dans le temps avec des vidéoclips live synchro avec la musique… Bref, J’AI TRIPPÉ BEN RAIDE sur cette projection. Bon. Respiration. Je prends une gorgée de tisane.

Bref j’ai pensé à ce moment filmique en voyant le film de Sophie Bédard Marcotte.

CLAIRE L’HIVER n’est pas en noir et blanc, et y’a pas de jazz dedans, ni grand chose à voir avec Zigrail au niveau du sujet… mise à part une forme de réflexion sur la solitude, et un chat qui le relit au Chat dans le sac, le reliant pour moi à Zigrail (syllogisme plat-onnicien)…

(***Oups… erreur… je viens de vérifier sur WIKI-plus-besoin-d’étudier-PEDIA… ce n’est pas Platon, ça me rassure, je n’aime pas Platon, il me tape sur les nerfs avec ses certitudes. Pas très sérieux. Manque de doute. À part pour sa Caverne bien sûr, ça mérite le détour. Mais  c’est bien l’ami ARISTOTE qui a pondu le syllogisme, pas mal plus cool…)

Bref, la raison pour laquelle je vois un lien entre Claire l’hiver et Zigrail c’est pour l’état dans lequel m’ont transporté les deux films. C’est l’effet de liberté que j’ai ressenti. Cette approche en plans séquences avec des dialogues très naturels, entre l’impro et la rigueur des acteurs qui arrivent à ne pas « puncher », à tout simplement travailler pour le plan, la shot, le film, le propos. Ces moments purement ludiques d’animations d’objets comme ces plans de train accélérés dans Zigrail. Tous ces moments de décrochage narratif me font du bien. M’ont fait sourire de détente.

Pis, ben, t’sé, y’a pas beaucoup de choses plus inspirantes que de voir un film inspirant. C’est peut-être vrai dans toutes les disciplines ? Peut-être que pour un avocat c’est vraiment inspirant de voir une belle plaidoirie ? J’imagine. Ou pour un coiffeur de voir une belle coupe de cheveux ? Pour un chef sushi de voir une belle coupe de sashimi ? Voir un film qui projette la liberté dans laquelle il a été fait, c’est contagieux, ça donne envie de faire pareil. De tourner pour propager l’effet, sans fin.

Suis sorti avec un sourire dans la face. L’équipe était dans la salle en plus et j’ai eu la chance d’échanger avec eux. (Après que le film ait eu son effet sur moi, sinon je serais parti en courant.) C’était l’fun. La réalisatrice, comédienne dans le film, prouve hors de tout doute que l’on peut se filmer (se « selfier« ) sans forcément être narcissique, mais bien en recherche de quelque chose de soi-même… Y’a de ça aussi dans le film. Un journal personnel.

Alors pour ceux qui aiment le cinéma qui fait sourire, qui touche, qui aiment l’animation d’objets, les animations graphiques kitsch, qui ont déjà eu des relations amoureuses et qui aiment les chorégraphies de déneigeuses… Dans l’ordre et le désordre…  ce film est pour vous (je ne sais pas quand ça va rejouer???)

Sinon… ou en plus… Il y a aussi BORDER que j’ai vu au Cinéma du parc… alors là on est sur une autre planète… Une expérience de cinéma assez rare ces dernières années… Mais le problème avec ce film c’est que si on commence à en parler, on risque d’en réduire le plaisir de visionnement… Je ne savais rien du film avant qu’un couple d’amis me le recommande… Et j’y suis allé… Je suis assez certain que si j’avais lu sur le film avant… mon plaisir en aurait été grandement réduit. J’ai d’ailleurs vu passer des critiques du film, très positives, mais qui je dois dire me semblaient être l’équivalent de dire à de futurs spectateurs que dans Alien la bibitte pousse dans le ventre, oubedon que dans Cocoon y’a des humains qui se déguisent en extraterrestres… c’est comme un manque de sens de discrétion filmique. C’est dit. Bref un film à voir, pas forcément en programme double avec Claire l’hiver par contre… quoique… J’ai toujours eu beaucoup de plaisir à sortir à des places très différentes les unes des autres pour en faire ressortir leurs originalités… et surtout leur humanité en commun.

M’en voilà rendu à mon dernier blog ici sur la page de 24 images. Ce fut un plaisir de divaguer sur le cinéma en salle ( « en sale! » est une expression consacrée de jouale que j’aime beaucoup…:) et je crois bien que je vais continuer à divaguer pour un bout de temps sur mon site personnel (francoisblouin.ca). Merci à ceux qui m’ont envoyé du « feedback »… Et merci à Apolline pour l’invitation sympathique ! Longue vie au cinéma d’ici et d’ailleurs.

Longue vie au cinéma en salles à Montréal…


1 décembre 2018