Hayang Wang
par Pierre Hébert
C’est une illustration, une «tête» comme il se doit, pour le couvert d’un cd récent de Bob Ostertag, le musicien qui a été de loin mon collaborateur le plus important depuis 1989. Bob et moi avons visité ensemble l’atelier de Hayang Wang à Beijing lors de notre tournée asiatique de performances, à l’hiver 2013. C’est là que l’affaire s’est conclue pour le cd de Bob. Mais j’avais rencontré Hayang en 2011 à Utrecht, au festival HAFF où j’avais vu son premier film, Freud, Fish & Butterfly qui, en l’occurrence, avait remporté le grand prix «non narratif» de cette année-là.
Nous avons fait connaissance parce qu’il prétendait connaître mon visage et que j’étais certainement une célébrité en Chine. On a bien rigolé, il a fait mon portrait et j’ai fait le sien. J’avais également trouvé son film très intéressant mais ce n’est que l’année suivante, au même festival, au moment de la grande rétrospective de l’animation indépendante chinoise (où il avait d’ailleurs agi comme commissaire d’une des projections) que j’ai compris toute l’importance de son travail, mais aussi de la mouvance dans laquelle il s’inscrit. Au moment de présenter la rétrospective à l’ouverture du festival, Sun Xun, un autre de ces curieux animateurs chinois, avait déclaré de façon un peu provocatrice : «Nous ne sommes pas des cinéaste d’animation, nous sommes des artistes qui se servent de l’animation». Et en fait, on l’a bien vu en visitant son atelier à Beijing, Hayang est d’abord un peintre d’une grande puissance, très en vue d’ailleurs au sein de la nouvelle peinture chinoise dans le cadre d’un marché de l’art qui explose, ce qui place son travail en cinéma d’animation dans une perspective totalement différente de l’histoire classique de l’animation. C’est une rencontre qui me touche beaucoup car elle ramène à ma mémoire mes premiers enthousiasmes pour des films d’animation d’artistes au début des années soixante, entre autre pour les travaux de Len Lye, Robert Breer, Robert Lapoujade, etc. C’est avec satisfaction que j’observe depuis quelques années, à l’échelle internationale, un retour significatif à une telle posture par rapport au cinéma d’animation.
Pour conclure, voici le portrait que Hayang a fait de moi à Utrecht en 2012 ainsi qu’une empreinte du sceau avec mon nom en chinois qu’il m’a offert à Beijing en 2013 et que je n’ai pas encore osé utiliser pour signer mes dessins. Des souvenirs précieux dans mon coffre aux trésors.
13 janvier 2015