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Cinéastes Invités

(J’ai) les cheveux gris

par Chloé Robichaud

Photo: François Jaros

Quand on m’a approchée pour participer à ce blog, j’ai vite réalisé qu’il faisait beaucoup de sens que je dise oui, surtout que nous sommes en mai … Pas besoin de vous dire ce qui se passait en mai dernier.
À vrai dire, le 21 mai 2013 a sans doute été le jour le plus incroyable de ma vie.

Il s’en est passé des choses depuis la dernière année. À commencer par le nombre de cheveux gris qui se sont immiscés dans ma chevelure noire. Deux ou trois brillaient déjà pendant le tournage de Sarah. Ils sont partis en guerre depuis mai dernier. J’ai vieilli, malgré moi. J’ai appris des choses, j’ai grandi, j’ai expérimenté. Les journalistes ont beau m’affubler du titre de « jeune réalisatrice québécoise », le reflet du miroir me dit que quelque chose a changé.

Je ne prétends pas maintenant tout savoir, au contraire. Je ne sais probablement que très peu encore. Cela ne m’empêche pas de savoir des choses, autant de la vie que du cinéma. Et cette dernière année aura sans doute été la plus constructive et révélatrice.

De façon plus ou moins sérieuse (à vous d’en juger), voici ce qui me passe par la tête en ce moment, quand je songe à ces apprentissages. Je les ai dressés en différentes catégories…

#1 : ÊTRE FEMME
Si vous êtes une femme réalisatrice, il vous faudra souvent parler de la place des femmes au cinéma, de la place des personnages féminins. On vous dira souvent à quel point vous êtes rare. On vous demandera si vous pensez toujours faire des films avec des femmes. Et si vous êtes une femme lesbienne, eh bien, je vous laisse deviner la suite…

Il vous faudra souvent argumenter avec beaucoup de fermeté concernant la quantité de maquillage qu’on cherchera à vous mettre pour des entrevues à la télévision. Je traîne toujours des mouchoirs avec moi et j’en enlève en cachette.

#2 : CERTAINES CHOSES NE CHANGENT PAS
J’ai du faire la triste constatation que la peur de l’avion ne se combat pas nécessairement à force de faire des tours dans les airs. Malheureusement…

Il vous faudra souvent expliquer aux gens que ce n’est pas parce que vous avez fait votre long- métrage et qu’il s’en va à Cannes, que vous faites nécessairement beaucoup d’argent. Cannes ne fait pas automatiquement augmenter la taille de votre portefeuille. À vrai dire, il peut même la réduire (robes, chaussures, cossins…).

#3 : LES IDÉE PRÉCONÇUES
Surtout dans le cas d’un premier long-métrage, les gens vont fréquemment penser qu’il y a une bonne portion autobiographique dans le scénario. Dans mon cas, même si certains éléments peuvent l’être, je tiens toujours à rappeler que je ne me suis pas mariée pour les prêts et bourse et que je n’ai pas fait l’amour sur un plancher de cuisine froid pendant que je regardais des casseroles. Je dis ça de même…

Si vous faites un film sur la course, les gens vont tout de suite penser que vous courez beaucoup dans la vie et que vous êtes une grande athlète. À mon entraîneur au gym, qui n’a toujours pas saisi que je n’avais pas les capacités physiques de Sarah, ce point est écrit spécialement pour toi.

#4 : LE PUBLIC
Les Q&A sont sans doute les plus beaux moments qu’il est possible de vivre avec le public. Il n’y a rien de plus vrai que d’entendre les gens, à froid, vous parler de ce qu’ils ont compris, ressenti ou vu dans votre film. À cette jeune fille qui s’est ouverte à moi au Cinéma Beaubien, qui m’a dit en larmes qu’elle s’identifiait beaucoup à Sarah, qu’elle se posait plusieurs questions sur sa sexualité et que le film lui avait fait du bien, je pense souvent à toi.

Il faut dire oui aux rencontres avec les étudiants en cinéma. C’est toujours un trois heures très pertinent. Aux étudiants en cinéma que j’ai rencontrés cette année, j’aimerais vous dire merci, j’ai beaucoup aimé nos échanges.

#5 : LES CRITIQUES
Il est important de se rappeler que les films sont aussi faits pour faire réfléchir et susciter des débats. Il me parait normal que votre film ne fasse pas toujours l’unanimité.

Je crois qu’il n’est pas toujours sain de lire tout ce qui se dit sur son film. Il faut en prendre et en laisser. Il faut aussi savoir repérer les opinions constructives.

#6:ET LA VIE
Il ne faut pas oublier d’avoir une vie en parallèle de tout ceci. Ça aide l’âme. Et ça aide à écrire de prochains projets. Pas de vie, pas d’histoires.

Mes prochains billets dans ce blog parleront de ma façon d’aborder les trois phases de la création d’un film, de la pré-production à la post-production, sur fond d’anecdotes. À moins que je ne change d’avis… Qui sait…

À très vite

Chloé

 


19 mai 2014