La fois où j’ai insulté la Gaspésie
par Alexis Fortier-Gauthier
Bon. Faire des films prend beaucoup de temps. Des mois, des années parfois. On met beaucoup de travail et beaucoup d’énergie pour finalement quelques minutes de bonheur dramatique ou d’extase esthétique. Ultimement, on souhaite que tous ces efforts soient imperceptibles, que le film coule de source, que le caractère laborieux de sa fabrication laisse place à une expérience hors du temps, magique. La rencontre avec le public permet parfois de revenir sur la nature exacte de l’«ouvrage».
En court-métrage, on a rarement l’occasion de parler de nos films en profondeur. Certaines projections et certains festivals en donnent parfois l’opportunité, mais ils sont rares (et encore faut-il être sélectionné!). Je fais des films pour qu’ils soient vus (sinon, je tiendrais un blogue), mais c’est difficile d’accompagner ceux-ci à chacune des projections. Un horaire chargé, la distance et l’argent sont autant de facteurs qui m’ont empêché d’être toujours de la partie. Cependant, même lorsqu’on ne peut s’y rendre, on reste curieux de la réception. Les spectateurs ont-ils ri aux bons endroits? Des toux nerveuses soulignaient-elles les passages plus émouvants?
Quand Alexandre Auger m’a proposé son scénario Gaspé Copper (qui se fera finalement connaître davantage par le nom «Gary Cooper», à cause de cette faculté qu’a le cerveau de tout mélanger), j’ai eu une minute d’hésitation. L’ampleur du projet était énorme et les écueils, nombreux. C’était un film d’époque d’une part, qui plus est, ayant comme trame de fond un événement historique marquant de l’histoire du syndicalisme au Québec. D’autre part, c’était également un récit familial très personnel. La trame principale est fabriquée à partir des bribes de souvenirs de jeunesse de la mère du scénariste. Réaliser le film venait donc avec une double responsabilité de mémoire.
Le titre de cet article est une boutade, évidemment. Le film a été très bien accueilli au festival Les Percéides à Percé.
J’aurais plusieurs histoires à vous raconter sur le tournage du film. Comment Laurie, la petite Jocelyne du film, revenait chez elle les soirs de tournage et refusait de nouer ses propres chaussures, déjà habituée à ce que les habilleuses le fassent pour elle. Ou bien Mathieu qui, vers 17h, devenait mou comme de la guenille et devait être nourri de barres de céréales afin de pouvoir dire son dialogue sans s’endormir. Ou encore le petit Dérick, 5 ans, qui demandait à ses parents, après la dernière journée de tournage :«C’est quand qu’on tourne le vrai film?».
Je voulais rendre hommage aux travailleurs/Euses qui nous accompagnent dans ces aventures éphémères et qui nous poussent plus loin. Je remercie le scénariste Alexandre Auger pour sa confiance et le producteur Hany Ouichou pour son courage frondeur. Vu que ce n’est pas un générique de film, mais un article de blogue, je ne nommerai pas tout le monde. Mais sachez que la tentation est grande!
La bande-annonce de Gaspé Copper
GASPÉ COPPER – BANDE ANNONCE from Alexis Fortier Gauthier on Vimeo.
25 septembre 2015