Cinéastes Invités
Le moment présent
par Ky Nam Le Duc
C’est avec grand plaisir et une égale appréhension que je prends la relève de ce blogue pour ce mois de septembre. Le timing est bon, mon premier long-métrage, Oscillations, prend l’affiche en octobre et ça me donnera l’occasion de traiter mon syndrome post-traumatique. Aussi, il y a les élections qui approchent, et, avec cette période, un moment où tous ensemble nous devons nous questionner sur qui nous sommes et ce qui nous définit. Mon cinéma n’étant jamais très loin de ces questions, je profite de la jonction de tout cela pour réfléchir tout haut devant vous.
Contrairement à d’autres sur ce blogue, je suis un illustre inconnu. Mes films n’ont jamais été à Cannes, ils n’iront jamais, je n’ai pas cette ambition et je ne travaille pas en ce sens-là. Si ce blogue en était un sur la céramique, certains pourraient discourir sur la glaise et les glaçages, mais dans ce monde-là comme dans celui-ci, je ne suis pas un très grand formaliste. L’essentiel de mon travail est une suite de champ-contrechamp et faire un plan-séquence, je trouve ça trop compliqué, j’ai jamais eu la capacité ni le courage. Même à l’entrevue à l’école de céramique, on m’a demandé pourquoi je n’ai pas appliqué en théâtre à la place et j’avais alors admis n’y avoir jamais été. Ils m’ont quand même accepté, probablement par pitié, et je crois que toute ma carrière de céramiste a été donc une erreur jamais rectifiée. Je m’en excuse donc tout de suite.
Alors, pour vous donner une idée de qui je suis, et pour ma propre édification, j’ai fait la boussole politique de Radio-Canada dont voici les résultats:


Mes réactions à vif:
1- Je sais que plus personne ne m’adressera la parole durant les prochaines dix années des RVCQ mais je tenais à être transparent, c’est l’engagement que je vous fais pour les prochaines semaines. 2- Même si ces résultats me surprennent, faut dire quand même que je suis vietnamien d’origine, que je ne parlais pas français avant l’âge de 5 ans. C’est à croire que le PLQ nous ont vraiment bien sizé, nous, les ethnies. 3- Peut-être qu’elle est brisée la boussole? 4- Peut-être pas. Peut-être que le PLQ, c’est pas si pire, qu’ils sont pas juste des magouilleurs néo-libéraux d’extrême-droite… 5- Au moins, c’est pas le PCQ, dont je viens d’apprendre l’existence. (57%!?!?) 6- Pour me racheter et éviter mon bannissement de notre royaume créatif, voici une photo de moi avec Manon:


7- Ouf. Ça va être inconfortable ces quelques semaines. Peut-être que je devrais juste copier-coller de quoi sur Bela Tarr à la place.
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Probablement qu’il fut un temps où nos alignements politiques et identitaires étaient plus évidents. Et je sais à quel point c’est réconfortant d’avoir ces affiliations claires et simples, nettes et sans équivoque. Mais je crois que c’est là le défi de notre moment, cette fragmentation idéologique, la complexité de nos différents aspirations et intérêts, le paradoxe de notre position (possiblement intenable) comme château fort prospère de social-démocratie dans cette économie mondiale.
Il y a beaucoup de tons de gris dans le monde que je vois. Bien que je n’écrirais rien sur le cinéma en tant que tel (pour qui, dans ma propre idéation, est un genre de tupperware vraiment complexe à assembler), ça demeure l’un des endroits où ces nuances peuvent être éclairées, appréhendées. À mon humble avis, c’est un travail qui demande surtout de l’honnêteté. Comme en politique (je blague mais je le crois un peu en même temps). Voilà donc ma propre promesse électorale pour septembre: j’essaierai de pas vous mentir.
je vous embrasse,
Ky Nam
4 septembre 2018