Passe moi la puck, m’a en vendre des tickets.
par Vincent Biron
La rumeur d’une foule gronde au bout du corridor. Devant moi marchent Philippe, Justin et Jean-Michel. Nous nous avançons d’un pas rapide, pressés de nous dépêcher par l’équipe de relations médias fébrile qui s’inquiète du temps qui file. Nous faisons irruption dans l’enceinte; la fameuse glace du non moins fameux centre Vidéotron, l’éventuel temple des hypothétiques Nordiques, qui ce soir accueille un match des Remparts. La puck ne roule pas pour les Remparts, c’est l’Océanique qui mène 6-1 en fin de 2ième période et les partisans dans les gradins tentent bien que mal de cacher leur déception. Les acteurs des Barbares de la Malbaie et moi avançons sur la glace pour lancer des t-shirts du film dans la foule alors que la bande-annonce défile sur un écran géant au-dessus de nous. Peut-être que ces projectiles vestimentaires seront un baume pour l’âme en peine des supporteurs déçus dont l’équipe se faire mettre une sale raclée. Une dame me fait de grands gestes pour que je lui lance un chandail. Je m’élance, lance l’objet, et celui-ci atteint directement la cible. La dame semble extatique. Je viens de vivre un moment à la fois absurde et étrangement grisant. Un seul bémol. 400 millions pour un aréna, et pas un seul canon à t-shirts. Une chance que je joue à la balle molle, j’ai pas mal de bras.
On le dit souvent, le cinéma québécois peine à retenir son public. Mis à part les films d’Émile Gaudreault et quelques autres exceptions, les films qui réussissent à attirer plus de spectateurs que le Jour du Seigneur sont rares, trop rares. C’est pourquoi Entract Films, le distributeur de mon deuxième long métrage, tente une approche différente, en allant rejoindre les spectateurs potentiels là où ils sont nombreux et souvent éméchés; dans les arénas de la province durant des matchs de hockey junior majeur. Ce faisant, on espère réussir à attirer dans les cinémas de la province une clientèle peu habituée à voir des films d’auteur, mais qui sera peut-être séduite par la proposition du film, qui allie blagues de vestiaires et moments de sincérité dramatique à une texture rugueuse foncièrement indépendante.
Je crois que c’est ici que je dois avouer que j’étais un candidat improbable pour réaliser Les Barbares de la Malbaie. Ne connaissant pratiquement rien au hockey, on aurait facilement pu me convaincre avant de faire ce film que Jonathan Drouin était un candidat d’Occupation Double. J’ai toutefois découvert que la passion que certains amateurs entretiennent pour notre sport national n’est pas si différente de celle que je nourris pour le cinéma. Cela dit, pour moi, faire la tournée des arénas pour promouvoir un long métrage constitue à la fois un exercice surréaliste et une expérience sociologique. C’est pourquoi je ferai ici la chronique de mes aventures dans ces hauts lieux de notre sport national, afin de réfléchir autrement mon cinéma, peut-être de trouver quelques réponses sur ce que les spectateurs recherchent vraiment, et qui sait, tisser des liens entre les fans de hockey et notre cinématographie nationale. On se reparle lundi matin, après notre prochain arrêt; Boisbriand, où Philippe-Audrey Larrue St-Jacques, Justin Leyrolles Bouchard et moi assisterons à un match de l’Armada de Blainville. J’espère vraiment qu’il y aura un canon à t-shirts.
Photo d’en-tête : Phil.
16 novembre 2019