Top 10 vidéoclips de 2016
par Pascal Plante
On m’a gentiment invité à ce blogue, ce mois-ci… Et le mois de décembre, ça rime avec… ?
Des listes, des listes, et encore des listes !
Ça tombe bien, on vient de prêter le clavier à un listophile invétéré.
Allons-y.
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D’entrée de jeu, j’aimerais partager mon enthousiasme face à la programmation audacieuse du Festival du nouveau cinéma, cette année, qui avait inclus le puissant vidéoclip Close your Eyes (and count to F**k) de Run The Jewels au sein de leur programmation de courts-métrages internationaux. Audace, oui, car trop souvent, les vidéoclips, même les plus inventifs, ne sont injustement pas élevés au statut d’œuvre d’art sérieuse. Combien de fois a-t-on entendu qu’un film à l’esthétique léchée a été balayé du revers de la main en étant étiqueté de façon péjorative comme « vidéoclip-esque » ? Comme si c’était un péché, fondamentalement incompatible avec le cinéma…
Qui n’a pas instantanément en tête le blouson de cuir rouge de MJ en entendant les notes bombastiques de synthétiseur de Thriller ? Cette question en suspens sera mon seul et unique argument en faveur de la portée culturelle potentielle d’un vidéoclip ; de sa disposition à marquer l’imaginaire collectif. Et à l’ère de Youtube ? Est-ce qu’un Gangnam Style se compare aux clips iconiques de l’époque MTV? L’exposition de ces œuvres à une jeunesse omnibranchée sert, qu’on le veule ou non, d’éducation culturelle. Un vidéoclip visionnaire, qui transcende son caractère promotionnel, a le pouvoir d’attiser la curiosité et d’éveiller les consciences.
Je profite donc de ce temps des rétrospectives pour célébrer le vidéoclip, et pas seulement à titre de mélomane, mais à titre d’amoureux d’audiovisuel ; de cinéma.
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10. Gosh – Jamie XX
Réalisation : Romain Gavras
Romain Gavras est la tête pensante derrière le Stress de Justice et le Bad Girls de M.I.A. – deux vidéoclips du panthéon, en ce qui me concerne. La recette Gavras s’étiole quelque peu ici, peut-être, mais reste qu’on doit se prosterner devant l’ambition et le savoir-faire d’une telle œuvre.
9. Good to Love – FKA Twigs
Réalisation : FKA Twigs
Après le maximalisme de Gavras, on s’émeut devant le minimalisme de ce vidéoclip autoréalisé par FKA Twigs : une chanteuse pour qui chaque parution est gage de qualité. Il y a de ces artistes à la présence magnétique, qui donnent tout à la caméra. J’avais professé, à l’écoute du Cold War de Janelle Monáe qu’elle allait illico se faire repêcher au grand écran. Preuve à l’appui cette année avec Hidden Figures et Moonlight. Espérez-en autant de Twigs d’ici deux-trois ans.
8. JoHn Muir – ScHoolboy Q
Réalisation : APLUSFILMZ
D’une simplicité désarmante et d’une efficacité bluffante, ce clip de ScHoolboy Q relate en ellipses le parcours maudit de deux cambrioleurs de voitures qui dérapent au rythme de leurs excès… le tout, filmé du point de vue du véhicule. Regard triste et lucide sur le cercle de la violence qui ronge nos voisins du Sud.
7. Eh – Death Grips
Réalisation : Sean Metelerkamp
Death Grips ont souvent tenté de saboter leur propre image, ne faisant paradoxalement que renforcer leur fanbase dévolue. Je veux dire… la pochette d’un de leurs albums était quand même une photo de pénis en érection. Ça prend des couilles. Avec Eh, la bande de MC Ride ne va pas complètement dans ce genre de territoire ; ils plongent plutôt tête première dans l’expérimentation visuelle, semi trash, semi lo-fi. Le résultat est impeccable.
6. RUN and RUN – Lyrical School
Réalisation : … ?
Créé pour être visionnée à la verticale sur son smartphone, cette dose de vitamine C J-Pop offre, tout en légèreté, une réflexion sur le mode de consommation du vidéoclip, aujourd’hui. Immensément créatif, ludique et ingénieux !
5. Voodoo in my Blood – Massive Attack avec Young Fathers
Réalisation : Ringan Ledwidge
Rosamund Pike qui danse comme une damnée exorcisée au son de la musique de Massive Attack. What’s not to like ?
4. Daydreaming – Radiohead
Réalisation : Paul Thomas Anderson
PTA filme le visage déconfit de Thom Yorke dans un voyage méditatif à travers l’inconscient. Une rencontre inespérée ; parfaite.
3. Lazarus – David Bowie
Réalisation : Johan Renck
La pièce la plus frontale sur la mort qui guette le regretté musicien devient une œuvre totale, d’une résonnance émotionnelle inouïe, lorsque conjuguée à ces images.
2. Formation (et tout l’album visuel de Lemonade) – Beyoncé
Réalisation : Melina Matsoukas
Que dire de plus ?
1. Nobody Speak – DJ Shadow avec Run The Jewels
Réalisation : Sam Pilling
Cette satire jouissive du cirque politique du pays de l’Oncle Sam se targue d’être le seul candidat qui pouvait briguer la pole position à Beyoncé. Le mot chef-d’œuvre est galvaudé, j’en conviens, mais je me gâte : chef-d’œuvre.
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Mention #1. Lite Spots – Kaytranada
Réalisation : Martin C. Pariseau (produit par Romeo & Fils)
Tourné à LA, mais cogité à Montréal, Kaytranada et son équipe proposent une alternative rafraîchissante au clip de danse. Mettant en vedette un robot dansant qui, par mimétisme, se laisse aller avec des inconnus croisés sur le chemin, on nous rappelle en souriant le côté contagieux, rassembleur et libérateur de l’acte de danser.
Mention #2. Because I’m Me – The Avalanches
Réalisation : Greg Brunkalla
Une autre option pour ensoleiller les mornes journées de décembre.
Mention #3. Svartmesse – Kvelertak
Réalisation : Torjus Førre Erfjord
Cette liste manque (A) de métal et (B) de clips d’animation. Double cure.
Mention #4. On The Moment – OK Go
Réalisation : Damian Kulash
C’est tout de même un exploit qu’avec de la musique aussi… meh… un groupe puisse devenir un phénomène pareil sur la toile. C’est au visionnement des clips autoproclamés « viraux » d’OK Go qu’on comprend qu’ils ont compris les internets. Force est d’admettre que ce vidéoclip-ci est probablement l’un de leurs plus impressionnants à ce jour : un plan-séquence (truqué) en extrême ralenti, d’une précision hallucinante.
Mention #5. Famous – Kanye West
Réalisation : Aziz Ansari
Dernière mention, mais non la moindre ! Famous offre, avec gueule, un commentaire sur la célébrité en plaçant le spectateur dans la position de voyeur, au sens littéral. Malaise garanti. Ici, la controverse fait intrinsèquement partie de la démarche artistique, pour un résultat métatextuel tout à fait génial (mais il faut arrêter de lui dire…).
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Voilà !
À la prochaine (liste ? Peut-être…)
12 Décembre 2016