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Cinémathèque Québécoise

15 nov

par Michel Martin

Disparu en septembre dernier, Hugues Mignault débute comme preneur de son. Pendant les années 1970, il collabore notamment aux films d’André Forcier, Arthur Lamothe, Jean-Guy Noel, Martin Duckworth, ainsi que de Pierre Perrault.

En 1976, Michel Brault réalise René Lévesque un vrai chef, le film électoral du Parti québécois, avec Hugues Mignault comme preneur de son et Ronald Brault comme assistant à la caméra. C’est pendant le tournage de ce film que Mignault a l’intuition que les choses sont en train de changer. Avec Ronald Brault, il décide de constituer cinq équipes pour filmer une élection qui allait s’avérer historique.

Tous les techniciens ont accepté de mettre leurs salaires en participation, la pellicule a été récupérée de magasins inutilisés et finalement les maisons de service ont accepté d’investir une partie de leurs frais dans la production. Annick de Bellefeuille a travaillé bénévolement pendant six mois pour monter le film. Lors du lancement en juin 77, l’équipe pouvait affirmer que les seules subventions reçues furent leurs chèques de chômage.

De ce tournage est né un constat brut de cette journée. Il faut voir cette production comme un film témoin d’un moment clé de l’histoire récente du Québec. À la différence d’un cinéaste comme Denys Arcand, qui a toujours structuré ses documentaires pour donner du sens au matériel de tournage, ce film veut et réussit à restituer le contenu émotionnel de cette journée.

La structure du film s’organise principalement autour du jour du scrutin. On y retrouve Robert Bourassa, René Lévesque, Gérald Godin pendant des apparitions officielles. On y retrouve également les militants, les travailleurs d’élection qui s’affairent à faire sortir le vote. Enfin, on y retrouve surtout les vedettes du mouvement souverainiste et les gens ordinaires, qui donnent leurs impressions à l’issue du scrutin.

Denise Filiatrault et Doris Lussier étaient les maîtres de cérémonie de la soirée électorale au Centre Paul-Sauvé. Lise Payette, Camille Laurin et les autres ténors étaient radieux. Il faut voir Claude Charron arriver sur scène en sautant dans les airs pour finalement éclater en sanglots. En homme d’État, René Lévesque est heureux de sa victoire, mais en même temps soucieux des responsabilités qui l’attendent.

Cette production fut organisée dans un état d’urgence. Malgré son aspect bâclé qui est un peu inévitable, c’est un film irremplaçable qui capte l’essence d’un moment et qui donne l’impression de vivre cette journée traversée par un immense espoir qui a imprégné la majeure partie du Québec à ce moment-là. C’est un film bonifié par le temps. C’est surtout un document irremplaçable sur cette journée.

Hugues Mignault réalisa ensuite deux autres documentaires sur le gouvernement du Parti québécois, Le Québec est au monde et Le Choix d’un peuple. Le Québec est au monde est axé principalement sur les efforts du gouvernement Lévesque pour expliquer à l’étranger les aspirations du Québec. Ce film fut très sévèrement critiqué pour sa trop grande complaisance avec le gouvernement péquiste. Le Choix d’un peuple prend pour cadre le référendum de 1980. Après de multiples difficultés financières, ce film fut finalement terminé en 1985. L’accueil critique fut très mitigé. Il est vrai que ce dernier titre souffre amèrement de la comparaison avec le film de Denys Arcand, Le Confort et l’Indifférence. Par la suite, Mignault essaya en vain de faire un documentaire sur le référendum de 1995.


La Cinémathèque québécoise présente 15 nov, d’Hugues Mignault et Ronald Brault, le lundi 5 mars, 19 h.


28 février 2018