La semaine dernière pas loin du pont
par Marcel Jean
La Cinémathèque québécoise met à l’affiche le court métrage La semaine dernière pas loin du pont de Guy Bergeron. Datant de 1966, ce film de 11 minutes pourrait être considéré comme le chaînon manquant entre Les désoeuvrés de René Bail et le Bar salon d’André Forcier. Il s’agit en effet de l’un des premiers courts métrages de fiction indépendants réalisés au Québec (Forcier réalise Chroniques labradoriennes en 1967; Guy Borremans, Jean Pierre Lefebvre et quelques autres ont signé des films expérimentaux plus tôt au cours de la décennie 1960…) et Bergeron y montre Montréal, quelques mois avant Expo 67. Quelques jeunes « désoeuvrés » y hantent les rues : trois garçons « font » un dépanneur, un couple aux gestes maladroits découvre la sexualité dans un hangar, une bagarre éclate dans un snack-bar entre le garçon tout juste dépucelé et un autre…
En toile de fond, la structure du pont Jacques-Cartier disparaît dans la brume. Quelques plans laissent voir les habitations sans charme du quartier. Une séquence, vers la fin du film, nous fait entrer dans un appartement: dans la cuisine, le père saoul est assis à la table, tandis que la mère vaque aux tâches ménagères. L’homme éructe quelques mots qui laissent percevoir sa frustration. Le fils surgit dans la pièce. Rapidement son père et lui en viennent aux coups. Le fils sort. Il se réfugie dans un camion, au milieu d’un terrain vague. Le film se termine là-dessus. Entre le début et la fin, les personnages n’ont pas prononcé 40 mots…
En adaptant une nouvelle d’André Major, Bergeron saisit l’état de vide culturel qui émane autant des gestes des personnages que de l’absence de toute ambition esthétique dans l’aménagement du paysage urbain. Les humains qui hantent le film ne semblent avoir aucune autre perspective que celle de leur environnement immédiat: ils sont isolés, prisonniers d’une prison sans murs. Ils ne se projettent ni dans le temps, ni dans l’espace. Il n’y a ni futur, ni ailleurs.
L’occasion de découvrir La semaine dernière pas loin du pont, dont Guy Bergeron a supervisé la restauration numérique, est aussi l’occasion de reconnaître quelques figures familières de la vie culturelle québécoise: le comédien Jean Asselin, fondateur d’Omnibus, y tient le rôle principal, tandis que Diane Arcand, Hubert-Yves Rose et Alain Dostie figurent au générique.
Les projections du film ont lieu à 18 h 30 les 14 et 15 février, à 18 h le 16 février, ainsi qu’à 18 h 30 les 21 et 22 février. Le tarif d’admission est de 2 $.
14 février 2017