Les 20 ans de Clyde Henry Productions
par Marco de Blois
Cette exposition, la première consacrée au travail de Clyde Henry Productions, couvre vingt ans d’exploration artistique. Tous les objets et artefacts que vous découvrirez ici ont été conservés et soigneusement restaurés par les auteurs, qui signent aussi la scénographie de cette flamboyante mise en espace.
Les fondateurs de Clyde Henry Productions, Chris Lavis et Maciek Szczerbowski, se sont d’abord rencontrés lors de leurs études universitaires à Montréal dans les années 1990. Ils ont établi leur premier studio à Toronto en 1997 avant de revenir définitivement à Montréal en 2005. Parmi leurs œuvres marquantes, nommons Madame Tutli-Putli, Higgletly Pigglety Pop, Cochemare et le diptyque We Drink Too Much et We Eat Shit.
Pourquoi Montréal ? D’abord parce que c’est la ville d’Arthur Lipsett, de Leonard Cohen et de Denis Villeneuve, trois artistes spontanément nommés par le duo. Ensuite, il y a l’énergie particulière de sa vie culturelle. En effet, dans la métropole québécoise, Clyde Henry Productions s’émancipe et élargit la portée de son art en s’associant avec des organisations et des individus appartenant au bouillonnement artistique montréalais : la compagnie de théâtre Momentum, l’Office national du film du Canada, Phi Films, Godspeed You Black Emperor!, Arcade Fire, Patrick Watson et plusieurs autres. De ces collaborations naît un foisonnement d’œuvres portant toutes la signature distinctive du duo.
Pour nous faire comprendre qui est Clyde Henry, Chris Lavis et Maciek Szczerbowski n’hésitent pas à évoquer Zelig, le personnage créé par Woody Allen. En effet, au contact d’organisations et d’artistes œuvrant aussi bien en cinéma, en théâtre qu’en musique, la persona qu’est Clyde Henry se transforme pour prendre de nouvelles couleurs et explorer d’autres avenues. Pourtant, comme il le sera démontré dans cette exposition, la signature du duo reste puissante et distinctive, peu importe le contexte créatif.
Chris Lavis et Maciek Szczerbowski évoquent la production culturelle d’Europe centrale des années 1920 comme un motif stimulant et inspirant. De toute évidence, Jan Švankmajer et les frères Quay ont aussi été une influence pour Clyde Henry Productions.
Le parcours de l’exposition tient compte de la chronologie de production des œuvres tout en étant ponctué de certains rapprochements thématiques. Le duo récupère des objets d’apparence anodine pour les agencer avec leurs artefacts de façon à la fois saisissante et théâtrale, plongeant dans la tradition des musées d’histoire naturelle et des cabinets de curiosités. Les traces de doigts qui maculent les vitrines sont ainsi purs effets de mise en scène tout en témoignant du geste de ces artisans hors pair. En pénétrant dans la salle Norman-McLaren, le visiteur imaginera des histoires à partir de pièces d’apparence éparse. Les artefacts déployés ici sont porteurs d’un récit où s’entremêlent le grotesque, la comédie et un érotisme troublant. Clyde Henry Productions propose un monde dont la vétusté n’est que simulacre et qui contient ses propres règles, ses propres secrets.
Les détectives indiqués dans le titre peuvent aussi bien être les cinéastes que les visiteurs : ceux qui, pour reprendre les mots d’Alfred Jarry, pratiquent la « science des solutions imaginaires ».
L’exposition Détectives de la pataphysique : Les 20 ans de Clyde Henry Productions prendra l’affiche à la Cinémathèque québécoise du 10 mars au 2 avril 2017.
24 février 2017