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Éditos

Cabinet de curiosités

par Helen Faradji

Jusqu’au 4 août prochain, selon un cliché tenacement installé, ce sera la fête des monstres, vampires, démons, psychopathes et autres bestioles peu fréquentables du côté de l’Université Concordia. Pour sa 19e édition, le festival Fantasia fera en effet honneur à sa réputation de plus grand festival de films de genre de ce côté-ci de l’Atlantique en présentant, entre son film d’ouverture Miss Hokusai de Keiichi Hara et celui de clôture, Attack on Titan de Shinji Higuchi, son traditionnel étalage (près de 400 films cette année) de tout ce qui gicle et éclabousse.

Comme chaque année, éplucher la foisonnante programmation peut aussi donner quelques maux de tête. Comment s’y retrouver ? Évidemment, on peut toujours repérer les gros canons servant de phares plus ou moins éclairants, places occupées cette année par le décevant et disneyien Ant Man de Peyton Reed et Cop Car de Jon Watts, ce dernier d’ailleurs choisi – puisque toute est dans toute au royaume des super-héros – pour réaliser la prochaine mouture de Spider-Man. Rien de bien folichon, pour être honnête. Mais il y a aussi toujours les curiosités, pépites autoproclamées de festivals dont la promotion s’assure par des phrases aussi simples que « le premier film d’un réalisateur de 14 ans ! » (Hostile de Nathan Ambrosini), « un film entièrement tourné sur un iPhone ! » (Tangerine de Sean Baker, une des belles prises de Fantasia cette année, récompensé notamment à Palm Springs et Karlovy Vary) ou « le premier long de SF produit en Éthiopie ! » (Crumbs de Miguel Llanso).

Et puisque bien sûr elle se refuse encore obstinément à mourir, c’est encore par la bonne vieille théorie des auteurs (japonais !) que l’on pourra se laisser guider principalement. Sion Sono, en premier lieu, roi incontesté de cette édition, y déclinera en effet ses inspirations en trois films (trois !) : Tag où une jeune écolière navigue entre la réalité atroce et la fantasmagorie la plus noire, Shinjuku Swan et sa plongée dans les bas-fonds tokyoïtes et Love & Peace, feel-good pop et délirant. Mamoru Oshii, monsieur Ghost in the Shell, s’aventurera hors des sentiers qu’il a lui-même dessinés de l’animation prise au sérieux avec Nowhere Girl tandis que Takeshi Kitano immergera un yakuza en pleine comédie noire dans Ryuzo and the Seven Henchmen. Du côté de Hong Kong, on ne ratera assurément pas le retour de Ringo Lam, l’homme sans qui Tarantino serait moins Tarantino, qui a lui-même noté que son tout récent Wild City venait conclure la trilogie amorcée avec City on Fire (1987) et Full Alert (1997)

À ajouter au combo : du bonbon documentaire (Monty Python : The Meaning of Live de Roger Graef ou encore Raiders ! The Story of the Greatest Fan Film Ever Made de Jeremy Coon et Tim Skousen), de l’archive réchauffée juste à point (projection gratuite du Blubeard d’Edgar G. Ulmer, 1944), de l’événement fleur de lysé (Turbo Kid de François Simard et Anouk et Yoann-Karl Whissell, déjà récompensé à SXSW et présenté sous les hourras à Sundance) ou une nouvelle tentative de résoudre l’impossible équation du film à sketchs (Kahlil Gibran’s The Prophet revu et corrigé façon Roger Allers, Paul Brizzi, Gaëtan Brizzi, Joan C. Gratz, Mohammed Saeed Harib, Tomm Moore, Nina Paley, Bill Plympton, Joann Sfar et Michal Socha).

Éclatée, l’édition 2015 de Fantasia où s’aligne un peu de tout pour tout le monde ? Oui. Et dans tous les sens du terme.

Tous les renseignements au : https://www.fantasiafest.com/2015/fr

 


16 juillet 2015