Je m'abonne
Éditos

Cannes 2013 : Let The Rêve Begin

par Helen Faradji

Le 18 avril prochain, nous saurons enfin. Qui défendra ses couleurs sur la Croisette, qui pourra légitimement espérer récolter une palme d’or, qui aura l’insigne honneur de partir le bal de l’année cinéma? Car, oui, malgré les Spring Breakers et Leviathan, malgré ceux qui chaque année remettent en cause sa puissance, malgré les ceci et les cela, le Festival de Cannes, 66 ans plus tard, a encore et toujours cet immense pouvoir de faire la pluie et le beau temps sur l’année cinéma.

En attendant de savoir, petit état des lieux de ce que l’on sait, de ce que l’on suppute, de ce que l’on espère.

Les faits : le 18 avril, la sélection officielle sera dévoilée (contrairement à ce qu’annonçait Thierry Frémaux le 1er avril sur Twitter, Orson Welles ne devrait pas s’y retrouver), le 22 avril, celle de la Semaine de la Critique et le 23, celle de la Quinzaine des Réalisateurs (qui accueillera le projet de la Taipei Factory, soit 4 courts de 15 min co-réalisés par 4 binômes de réalisateurs). Le Festival s’ouvrira, en 3D et en champagne, avec The Great Gatsby de Baz Luhrmann (qui avait déjà ouvert le festival en 2001 avec Moulin Rouge), Jane Campion présidera le jury de la Ciné-fondation et recevra le Carrosse d’or, prix-hommage remis par la Société des Réalisateurs de Films, Miguel Gomes (Tabou) sera aux commandes de celui de la Semaine de la critique et Steven Spielberg de celui de la compétition officielle.

La rumeur dont tout le monde se fiche : la présence éventuelle de Nicole Kidman au sein du jury de la compétition.

La bataille des bandes-annonces : au cours de la dernière semaine, deux bandes-annonces aux styles incroyablement différents, mais à la puissance d’évocation similaires, ont fait leur apparition sur le net. Celle d’Only God Forgives de Nicolas Winding Refn, sorte de Drive shooté aux amphétamines et à la violence aussi stylisée que pure, et celle de Le passé d’Asghar Farhadi, version parisienne et ultra-tendue d’Une séparation où se feront face Tahar Rahim et Bérénice Béjo. Leur apparition opportune à quelques semaines du grand raout nous font douter de l’idée même de coïncidence.

Les « il ne vaut mieux pas crier au loup » : à en croire la presse spécialisée, il ne fait absolument aucun doute que Behind the Candelabra, évocation de la vie de Liberace par Steven Soderbergh (sur le tapis rouge des Oscar, Michael Douglas aurait lancé un senti « see you in Cannes » – la preuve est donc irréfutable), Inside Llewyn Davis, chronique folk 60’s des Coen et The Bling Ring de Sofia princesse Coppola, seront de la partie. Pourtant, s’il y a bien une chose que Cannes nous a appris au fil des années, c’est que la peau de l’ours, personne ne peut réellement en deviner la couleur.

La fin de la belle histoire d’amour : il a été banni, déclaré persona non grata du Festival qui avait pourtant montré tous ses films. Ses producteurs ont déclaré que le film n’avait même pas été soumis pour sélection. Une chose est sûre, à moins d’un miracle : Nymphomaniac de Lars Von Trier ne sera pas de Cannes 2013.

Les « on ne peut pas croire qu’ils ne seront pas prêts » : on les attendait. Mieux, on les espérait. Mais, selon divers observateurs, les tables de montage chauffent encore trop fort du côté de Twelve Years a Slave de Steve McQueen, Foxcatcher de Bennett Miller, Bird People de Pascale Ferran, Tom à la ferme de Xavier Dolan, Gravity d’Alfonso Cuaron et Devil’s Knot d’Atom Egoyan. On sort les mouchoirs.

Les points d’interrogation : sont-ils prêts? Mais surtout sont-ils à la hauteur? Toujours est-il que le doute plane (et maintient l’excitation) sur Her du revenant Spike Jonze, l’ultra-attendu Le bleu est une couleur chaude d’Abdellatif Kechiche, le mélancolique et on n’en doute pas fondateur Lowlife de James Gray, Nebraska d’Alexander Payne, Les salauds de Claire Denis, Like Father Like Son d’Hirokazu Kore-eda, All is Lost de J.C. Chandor (Redford tout seul sur un bateau en pleine tempête, on achète!), Fruitvale de Ryan Coogler (gagnant de Sundance), Tip Top de Serge Bozon, The Assassin d’Hou Hsiao-hsien, Kaze Tachinu d’Hayao Miyazaki (de l’animation en compétition? Ça fait longtemps!), Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier ou l’espéré The Zero Theorem de Terry Gilliam

Les « tant qu’à parier, ce serait sur eux » : encore une fois, rien n’est joué tant que la grosse dame n’a pas chanté, mais s’il fallait se baser sur la récurrence de leurs apparitions dans les listes de souhaits critiques à travers la planète, ils seraient déjà les gagnants de l’édition 2013. Eux, ce sont Blood Ties de Guillaume « yes he can » Canet, le vampirisant Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch, l’américain An Enemy de Denis Villeneuve, l’éco-terroriste Night Moves de Kelly Reichhardt, le déjà troublant Abus de faiblesse de Catherine Breillat, le face-à-face Amalric/Del Toro dans Un indien des plaines d’Arnaud Desplechin, le séduisant et forcément troublant Venus in Fur de Roman Polanski, l’animé The Congress d’Ari Folman et le roumain Un intervalle de 9 minutes de Corneliu Porumboiu

Du côté d’Un Certain Regard: là, les pistes sont tellement ouvertes que pourraient s’y côtoyer des oeuvres aussi diverses qu’attendues, telles Sapi de Brillante Mendoza, White Bird in a Blizzard de Gregg Araki (on lui donne déjà notre vote), A Most Wanted Man d’Anton Corbjin, Snowpiercer de Bong Jonn-ho ou le documentaire éco-terrifiant We Come as Friends d’Hubert Sauper.

Hors Compétition : le nouveau monument de Claude Lanzmann, Le dernier des injustes, et Adieu au langage de Jean-Luc Godard, en 3D s’il vous plaît, pourraient bien venir y faire l’événement!

Comme d’habitude, au jeu des spéculations, nous serons fort probablement tous perdants. Mais vus les titres qui sont dans la course pour cette édition cannoise, on peut déjà parier que les spectateurs de 2013, eux, devraient être gagnants. Ce n’est déjà pas si mal.

Bon cinéma

Helen Faradji


11 avril 2013