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Éditos

Jusqu’au bout de la nuit

par Helen Faradji

Bien sûr, la planète cinéma a les yeux résolument tournés vers une toute petite ville du Sud de la France cette semaine. Même à distance, on vit à son rythme. Apparemment, selon ce que l’on peut lire, on y rit beaucoup dans la grande salle du Palais des Festivals et dans celles de la Quinzaine et de la Semaine de la Critique, ce qui en soi est déjà une nouvelle pour le moins rafraîchissante. On verra dimanche qui, de ce cru 2016, sera l’élu. Et on attendra patiemment qu’un jour, peut-être, un distributeur nous l’amène jusqu’ici.

Mais en attendant, aucune raison de ne pas se réjouir de ne pas être à Montréal. Car, même sans tapis rouge ou sans Julia Roberts pieds nus (quel événement), ce sera la fête pour nous aussi. La fête du cinéma, même.

Pour une troisième édition, la Cinémathèque québécoise (en forme ces temps-ci, nous le disions déjà récemment) a en effet décidé de se transformer en buffet tout garni en transformant sa salle principale ainsi que son Bar-salon en lieux d’abondance. À compter de 17h, ce vendredi 20 mai et jusqu’à 23h15, heure de début de la dernière projection, le samedi 21 mai, on pourra en effet se gaver sans risquer l’indigestion des 9 longs et 9 courts soigneusement choisis ainsi que de vidéo-clips tirés de la collection de la Cinémathèque

Évidemment, une fête n’en est jamais tout à fait une sans invités. Et la Fête du Cinéma ne sera pas en reste. François Girard viendra ainsi en personne lui-même présenter la projection de son rarissime court restauré, Suspect n.1 ainsi que celle de son classique 32 Films brefs sur Glenn Gould (c’est cette projection qui partira le bal vendredi à 17h). Martin Talbot, lui, sera en charge de commenter et d’accompagner la projection de son (et notre) film-chouchou Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (samedi, 21h)

En-dessous du crémage, d’autres gâteries. Car en plus de L’homme à la caméra de Vertov projeté avec accompagnement musical, on pourra aussi voir ou revoir Buffalo Bill and the Indians or Sitting Bull’s History Lesson d’Altman, le délicieux Bringing Up Baby d’Hawks, des courts de W.C. Fields et Don Giovanni de Losey, pas montrés à Montréal depuis des décennies.

Projections non-stop, raretés, atmosphère festive…. Mais ce n’est pas tout. Car en plus de la bonne nouvelle que les copies seront présentées avec sous-titres français (ce dont l’on se passé beaucoup trop rarement par chez nous, de façon incompréhensible), la Cinémathèque a sorti de son chapeau ce que l’on peut appeler un vrai événement en guise de plat de résistance. Une avant-première, une vraie. Et pas la moindre. Celle du magnifique film de Nanni Moretti, Mia Madre, présenté à Cannes en 2015 et dont il est injustement reparti bredouille tant cette observation d’une cinéaste (et de Moretti lui-même ?) au bord de la crise de nerfs est aussi énergique que pleine d’espoir, rythmée que limpide, et est capable de que le cinéma, lorsqu’il est bien pensé, sait faire de mieux : faire coexister, parfois jusque dans la même scène, les rires les plus sincères et les larmes les plus empathiques.

En ces temps de crise, de doutes, de désillusions, il a souvent été répété ceci : que le cinéma avait besoin d’être à nouveau vécu comme un événement, une surprise, une découverte, d’être accompagné et vécu dans le partage et l’échange, d’être à la fois moteur et objet d’une atmosphère élaborée pour le mettre en valeur dans ce qu’il peut avoir de plus vivant, de plus vibrant. La fête du cinéma remplit assurément cette mission. On aurait tort de s’en priver.

D’autant qu’on ne vous a pas encore dit le plus beau. Tout ça, la première, les raretés, la fête et tout le reste… ne coûtera que 10 dollars. Non, vraiment, on aurait tort de s’en priver.

 

Bon cinéma et bonne fête.

 

Ps : en guise de bonus, le même vendredi 20 mai, au même Bar-salon de la Cinémathèque, 24 Images lancera son nouveau numéro ! Venez nous rencontrer.


19 mai 2016