La spécialisation
par Helen Faradji
Cinémania s’est achevé dimanche. Les RIDM finiront dimanche prochain et le mercredi suivant commencera la 15e édition des Sommets du Cinéma d’Animation (23-27 novembre). Le rythme, habituel, n’en reste pas moins un peu éreintant. Pourtant, au fond, cela ne dérange pas tant que ça. Car ces trois festivals thématiques – films francophones, documentaires – animations -, ont installé leur marque dans le paysage montréalais de façon solide. Chacun a son public, fidèle (même si chacun doit aussi lutter inlassablement pour essayer de l’ouvrir). Chacun a comme on dit « sa niche ».
Il faut bien s’en rendre compte : contrairement au merveilleux monde des salles où les généralistes font office de mastodontes en train d’ essayer d’écraser toute concurrence et toute envie de s’y essayer, dans le merveilleux monde des festivals de chez nous, c’est davantage l’inverse. C’est en tout cas le sentiment qui émerge lorsque l’on observe cette année les déboires d’un FFM, par exemple, et la vitalité des festivals spécialisés qui, sans avoir besoin de faire le même bruit ou les mêmes effets de manche, avancent sur leur bonhomme de chemin en s’établissant de plus en plus comme les joueurs majeurs de notre année cinéma.
Pour revenir à ces fameux Sommets (qui, aujourd’hui à 16h, dévoilera les résultats du tirage d’œuvres d’art, sans perdant, qu’ils ont organisés avec beaucoup d’à-propos), un simple coup d’œil au menu principal et aux à-côtés permet de s’en rendre compte. L’ouverture des festivités sera confiée au court-métrage belgo-canadien Je ne sens plus rien, de Noémie Marsily et Carl Roosens et à la canadienne Ann Marie Fleming avec son La vie en Rosie : l’épopée persane de Rosie Ming (doublé entre autres par Sandra Oh, Don McKellar ou Ellen Page). Le 26 novembre sera dédié à la projection-événement de Louise en Hiver de Jean-François Laguionie, film qui, sous nos yeux ébahis, se transformera en véritable peinture animée. Il y aura encore une classe de maître de l’oscarisée Joan Gratz et une autre de Diane Obomsawin que l’on annonce « d’une durée de cinq heures » !, accompagnée de la projection de J’aime les filles, adaptation de son dernier album de BD. Des films, donc, mais aussi des femmes. Le monde des petits bonhommes serait-il plus conscientisé que d’autres ?
Durant cinq jours, donc, pendant que la très belle affiche dessinée par Pierre Hébert ornera les murs de la Cinémathèque québécoise, les films des stars du monde de l’animation s’enchaîneront. Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol, Priit et Olga Parn, Steven Woloshen, Franck Dion, Theodore Ushev, etc… Évidemment, leurs noms n’attireront pas nécessairement au-delà des frontières de ceux qui les connaissent déjà. Mais si on ajoute à ceux-là ceux qui viendront seulement parce que l’animation, reste souvent plus libre, plus amusante, plus stimulante que les films de super-héros, ceux qui feront confiance à la Cinémathèque québécoise (qui entamait d’ailleurs ces dernières semaines un nouveau programme de résidence pour 6 cinéastes d’animation et ne cachait pas son ambition de s’illustrer aussi désormais du côté de la création) et aux Sommets dont la réputation et l’expertise dans le milieu international de l’animation ne sont un secret pour personne, la fameuse niche sera bien là. Et c’est peut-être là que réside la force de ces festivals qui chaque année, certes, semblent un rien trop collés les uns aux autres pour pouvoir respirer confortablement, mais semblent gagner du terrain tant en termes de programmation que d’atmosphère. Alignement de films resserré, public plus détendu, rencontres et discussions plus intimes, ambiance plus chaleureuse, concentration en un seul lieu (sauf pour les RIDM). Une des solutions au marasme ambiant n’est assurément pas dans le gigantisme, mais probablement bien plus dans la culture incessante de ces terres peut-être moins étendues mais évidemment plus fertiles.
Bon cinéma
17 novembre 2016