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Éditos

Nostrada-Cannes

par Helen Faradji

Il y a ce que l’on sait déjà. Que le 69e Festival de Cannes sera aux couleurs ensoleillées du Mépris. Qu’Aki Kaurismäki y sera récompensé par le Carrosse d’or décerné par la Société des Réalisateurs lors de l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs. Que Valérie Donzelli présidera le jury de la Semaine de la Critique, Naomi Kawase la Ciné-fondation et la compétition des courts-métrages et George Miller celui de la Sélection Officielle. Et que Café Society, le Woody annuel ouvrira les festivités.

Et puis, il y a les rumeurs, qui s’intensifient évidemment à mesure que l’on approche de la date fatidique du 14 avril, celle où le voile sera levé sur les films chouchous, en général autour d’une vingtaine, qui se disputeront la précieuse Palme d’or au mois de mai prochain. Ainsi, quelques médias, parmi lesquels Variety ou le Hollywood Reporter, ont déjà joué à vendre la mèche en annonçant la présence en compétition de Loving, de Jeff Nichols (ce que l’on ne pourrait que souhaiter), de Money Monster de Jodie Foster, de The Last Face de Sean Penn (reste à savoir si El Chapo monterait les marches avec lui) ou du Bon Gros Géant de Steven Spielberg.

Sans prétendre à rien d’autre qu’à s’amuser, voici donc les 20 que nous imaginons voler la vedette de l’année.

1) Money Monster de Jodie Foster : Y présentant un gourou de la finance (George Clooney) pris en otage par une victime, tandis que sa productrice (Julia Roberts) prend la décision de diffuser le tout live, la dame a de bonnes chances de remplir le quota « stars et paillettes » sans lequel Cannes ne serait pas tout à fait Cannes.

2) Untitled Howard Hughes Movie de Warren Beatty : Warren Beatty de retour ? Le cinéaste qui n’a pas tourné depuis Bulworth en 1998, aurait en effet sous le coude ce film ultra-secret qui lui permettrait ce genre de come-back mythique dont la presse cannoise est friande. À moins qu’on ne lui préfère l’entrée en piste d’une nouvelle-venue, Chloé Robichaud, avec Pays et sa lutte toute féminine contre l’exploitation de ressources naturelles dans une île imaginaire, ce qui nous ferait assurément plaisir.

3) Loving de Jeff Nichols : après l’émouvant et subtil voyage en terre surnaturelle de Midnight Special (qui leur a échappé), Cannes devrait en toute logique se rattraper avec Loving, récit d’un amour interracial dans la Virginie de 1958 et qui réunit Michael Shannon et Joel Edgerton autour de Ruth Negga.

4) Elle de Paul Verhoeven : affiché en géant sur la Croisette l’année dernière, le retour d’un des auteurs les plus subversifs du cinéma contemporain, lorsqu’il s’en donne la peine, avec un film en français, adapté de Djian, probablement dominé de bout en bout par Isabelle Huppert, et parlant de viol et de revanche, devrait fort logiquement se faire remarquer.

5) The Handmaid de Park Chan-Wook : fier représentant de la Corée du Sud, gagnant du grand Prix pour Oldboy, Park Chan-wook devrait être de retour avec ce drame d’époque que l’on imagine déjà pervers et trouble.

6) Ma loute de Bruno Dumont : Cannes se trompe rarement en misant sur Dumont. Sa Loute, réunissant Juliette Binoche, Fabrice Lucchini et Valeria Bruni-Tedeschi autour d’une enquête policière sur une plage française, évoquant évidemment son récent et hilarant P’tit Quinquin (dévoilé à la Quinzaine avant que Dumont et Frémaux ne s’échangent publiquement quelques noms d’oiseaux, mais le temps – et la promesse d’une palme d’or – aplanissent toutes les querelles) devrait là encore gagner le gros lot.

7) La fille inconnue, des frères Dardenne : Cannes sans les Dardenne ? L’écrire même semble impossible. On devrait donc retrouver les rois du naturalisme doublement palmés et leur plongée en territoire hospitalier guidée par la terrienne et puissante Adèle Haenel en médecin enquêtant sur l’identité d’une patiente décédée après avoir refusé un traitement ne devrait pas faire exception.

8) Photo de famille de Cristian Mungiu : le roumain, palme d’or en 2006, devrait mériter sa place avec ce film, une première pour lui, qui suit un personnage masculin, aux prises avec la parentalité dans une petite ville roumaine.

9) The Untamed d’Amat Escalante : Cannes ayant toujours besoin de son facteur « choc », on pourrait bien voir le mexicain d’une rare violence répéter sa présence sur la croisette après Heli en 2013, qui lui a valu le prix de la meilleure réalisation.

10) American Honey d’Andrea Arnold : Cannes, pas Cannes, le nouveau projet de Mme Fish Tank, réunissant Shia La Beouf et Riley Keough en vendeurs d’abonnements à des magazines se baladant à travers les Etats-Unis, fait assurément partie des films les plus attendus de l’année. Le coup de projecteur cannois serait logique.

11) Paris est une fête de Bertrand Bonello : des jeunes terroristes, un grand magasin parisien, un auteur en peine possession de ses moyens ? Faut-il vraiment faire un dessin ?

12) Juste la fin du monde de Xavier Dolan : le chouchou de la Croisette,  une fougue que les années ne semblent qu’attiser, Marion Cotillard, Gaspard Ulliel, Léa Seydoux et Vincent Cassel ? Faut-il vraiment faire un dessin bis ?

13) Paterson de Jim Jarmusch : Autour d’Adam Driver en chauffeur de bus poète dans le New Jersey, Jarmusch tricoterait un récit comme à son habitude rock et métaphysique, ce qui ne devrait pas déplaire au sélectionneur en chef. Petite particularité, le film devrait être distribué au cours de l’année par Amazon.

14) Personal Shopper d’Olivier Assayas : avoir recours à Kristen Stewart lui avait plutôt réussi avec Clouds of Sils Maria. Lui laissant le champ libre en la plongeant dans le merveilleux monde de la mode, Olivier Assayas devrait à nouveau s’ouvrir les portes du paradis.

15) After the Storm d’Hirokazu Kore-eda : certes, Our Little Sister l’année dernière a déçu. Mais en 2013, son Like Father, Like Son avait fait le contraire. Où se situera le prochain, relatant les tentatives d’un auteur de renouer avec sa famille ? Nous devrions avoir la réponse en mai.

16) Forushande d’Asghar Farhadi : probablement pas encore remis d’avoir raté Une séparation, Cannes avait tenté de récupérer la bête avec le plus fragile Un Passé. Lui donnera-t-on une seconde chance avec cette chronique familiale iranienne, apparemment inspirée du Death of a Salesman d’Arthur Miller ? À suivre.

17) I, Daniel Blake de Ken Loach : l’ami Ken avait pourtant affirmé que Jimmy’s Hall serait son dernier film de fiction. Mais à 80 ans, le vénérable aurait changé d’avis et on voit mal comment une nouvelle présence en compétition avec ce regard sur un menuisier blessé et une mère monoparentale au bout du rouleau, pourrait lui échapper.

18) Sieranevada de Cristi Puiu : retrouvant son acteur fétiche Mimi Branescu, le réalisateur de The Death of Mr Lazarescu devrait pouvoir se faufiler jusqu’au saint des saints avec ce film suivant une réunion de famille supposée commémorer le souvenir du patriarche.

19) Free Fire de Ben Wheatley : en remplacement de Winding Refn dont le Only God Forgives avait tant fait ricaner (et même si ce dernier a en ce moment sous le coude un Neon Demon qui intrigue), le britannique, produit par Martin Scorsese, pourrait bien remplir le quota « auteur, genre, sang et abstraction » en plongeant Cillian Murphy et la nouvelle star Brie Larson en pleine guerre des gangs en 1978 à Boston

20) Planetarium de Rebecca Zlotowski : après le joli splash de Grand Central à Un Certain Regard, la réalisatrice française pourrait bien grimper le dernier échelon et atterrir en compétition où Natalie Portman et Lily-Rose Depp (oui, la fille de) navigueront entre amour, destruction massive et fantômes.

À confirmer dans quelques jours!

Bon cinéma


31 mars 2016