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Éditos

Quelques envies

par Helen Faradji

On avait beau y entrer avec les meilleures intentions du monde, vouloir la trouver belle, heureuse, joyeuse, la nouvelle année a décidemment eu dans ses premières semaines un front assez incroyable au chapitre « icônes disparues ». Galabru, Boulez, Courrèges, Delpech, L’Allier, Rickman, et Bowie – une cinémathèque ou une chaîne de télévision près de chez nous pour nous réconforter avec une soirée d’oubli devant The Man Who Fell to Earth ou Furyo (Labyrinth sera présenté au cinéma Phi ce lundi 18 janvier) ?… Et nous ne sommes que le 14 janvier ! Sans parler du triomphe du beau mais vain The Revenant et du sacre de son réalisateur Inarritu qui, après l’oscar l’an dernier, est sans nul doute possible devenu le roi d’Hollywood.

C’est donc en regardant vers devant que l’on devra trouver de quoi se réjouir. Dans l’anticipation de 10 films qui incarneront, ou non, l’année cinéma et qui nous feront surtout espérer que non, tout ne va pas si mal en ce bas monde.

1.    45 Years d’Andrew Haigh : dès la semaine prochaine, nous le vérifierons de nos yeux. Mais un double prix d’interprétation à Berlin l’an dernier pour deux acteurs au raffinement incomparable, Tom Courtenay et Charlotte Rampling, et une adaptation d’un roman de David Constantine qui plongera monsieur dans les tourments d’un souvenir amoureux tragiquement ravivé, sont le genre d’ingrédients qui nous mettent l’eau à la bouche.

2.    Hail Caesar de Joel et Ethan Coen : il ouvrira le prochain festival de Berlin, racontera l’histoire vraie d’Eddie Mannix engagé par les studios dans les années 50 pour satisfaire aux caprices des stars, réunira Clooney, Brolin, Johansson, McDormand, Swinton, Tatum, Fiennes, Hill et… Christophe Lambert et ne peut qu’être à la hauteur de l’attente qu’une association Coen / satire du merveilleux monde du cinéma peut susciter.

3.    Juste la fin du monde de Xavier Dolan : le prodige a pioché dans un parterre de stars françaises probablement prêtes à tout pour un rôle chez lui (Cotillard, Seydoux, Cassel, Baye, Ulliel) pour adapter une pièce de théâtre aux vagues saveurs « tomàlafermesque » de Jean-Luc Lagarce. Mais surtout, comment résister à l’envie de voir ce qui reste après l’ouragan Mommy?

4.    Paris est une fête de Bertrand Bonello : il en parle comme d’un « western immobile », il en a écrit le scénario en 2011, entre L’apollonide et Saint-Laurent, il réunit des comédiens non-professionnels autour de Vincent Rottiers. Mais surtout, il y raconte comment de jeunes terroristes posent des bombes dans Paris et se réfugient dans un grand magasin. Après le corps des femmes, Bonello prendra-t-il à bras le corps le corps social ? On ne peut que l’espérer

5.    Mustang de Deniz Gamze Ergüven : cinq sœurs turques sont forcées à la réclusion par leur oncle. A priori, pas de quoi danser de joie. Sauf que la jeune réalisatrice s’éloigne de toute tentation coppolienne pour mieux marier observation d’une sensualité folle, sens du suspens palpitant et plans de western envoûtants. À suivre assurément.

6.    RMN de Cristian Mungiu : on ne sait que peu de choses, pour ne pas dire rien du tout, du nouveau film de M. 4 mois, 3 semaines et 2 jours. Sauf  qu’il a obtenu de la Roumanie le plus haut financement jamais donné à un film national, soit 1 million d’euros. L’argent ne fait pas le bonheur, certes, mais le simple fait d’avoir des nouvelles de Mungiu, oui.

7.    American Honey d’Andrea Arnold : pour la première fois hors de son Angleterre natale, la réalisatrice de Fish Tank suivra le road-trip décadent d’une jeune fille paumée, et organisera peut-être le retour en grâce de l’impayable Shia LaBeouf.

8.    Blonde d’Andrew Dominik : comme l’adaptation tant attendue du roman de Joyce Carol Oates par le cinéaste de Killing Them Softly est dans les cartons depuis plus de deux ans, et que l’actrice principale chargée d’incarner rien de moins que Marilyn a déjà changé (Jessica Chastain a remplacé Naomi Watts), on ne peut qu’espérer que 2016 sera l’année où l’on aura enfin des nouvelles, des vraies, de cette rencontre si attendue entre la blonde si fragile, la romancière si lucide et le cinéaste si mélancolique et violent.

9.    Ma loute de Bruno Dumont : après l’inoubliable détour télé pris avec P’tit Quinquin l’auteur le plus singulier du cinéma français – et mondial – plongera en 1910 pour une histoire improbable, et donc forcément alléchante, d’anthropophagie, de bourgeoisie décadente et d’amour impossible où se croiseront non professionnels, Juliette Binoche, Fabrice Luchini et Valéria Bruni-Tedeschi.

10.    Midnight Special de Jeff Nichols : hommage à la science-fiction classique, clins d’œil annoncés au mythique Starman, chasse à l’homme organisée par des fanatiques religieux et la police pour retrouver Michael Shannon et son fils, doué de pouvoirs surnaturels, Jeff Nichols (Mud, Take Shelter) aux commandes ? Mais quelle bonne raison pourrait-il exister de ne pas parfaitement se réjouir ?

 

Bon cinéma en 2016.

 


14 janvier 2016