Toutes ensemble
par Helen Faradji
Ghostbusters avec Melissa McCarthy et Kristen Wiig, Ocean’s Eleven avec Sandra Bullock, Lady Bloodsport avec Amy Johnston…. Hollywood a trouvé la solution pour calmer ces dames qui, depuis la sortie de Patricia Arquette aux Oscar 2014, n’en finissaient plus de réclamer un peu plus d’égalité! Un véhicule existant, de préférence marquant pour la culture populaire des années 80-90, un remake, des actrices à la place des acteurs et voilà le combat pour que les rôles soient mieux répartis entre hommes et femmes dans le merveilleux monde du cinéma réglé. Aussi simple que bonjour.
Même le Festival de Cannes, habituellement cible de toutes les critiques féministes, semble cette année avoir trouvé un dosage plus satisfaisant. Après cette édition 2016, les noms de Maren Ade, Houda Benyamina (et son désormais iconique « t’as du clit » lâché devant un parterre aussi chic que médusé, lorsqu’elle recevait la caméra d’or pour Divines), Julia Ducournau (Grave) ou Justine Triet (Victoria) avaient bel et bien émergé dans la catégorie « auteurs à suivre ».
Mais l’arbre cache littéralement la forêt. Car le problème est loin d’être réglé! Et les chiffres, statistiques, études, graphiques et autres qui régulièrement font surface n’en finissent pas d’exaspérer (un des plus récents? Cette vidéo rappelant, avec moult stars à l’appui, qu’il est toujours aussi intenable de penser que durant les 13 dernières années, seul 4% des films marquants ont été réalisés par des femmes). La preuve est là, noir sur blanc, il y a tout simplement moins de filles qui arrivent à se faire une place dans l’univers du cinéma, et vogue la galère de l’injustice.
Que les chiffres puissent prouver sans l’ombre d’un doute qu’il y a problème, rien de plus nécessaire. Mais une fois dévoilés, une fois que la chose est dénoncée et sue, que faire ? C’est en général là que les choses s’arrêtent et recommencent l’année suivante avec les mêmes chiffres, les mêmes études, les mêmes statistiques, plus ou moins augmentés ou ajustés.
Or, et c’est là que 2016 semble tout de même réussir marquer quelques points, il y a quelque chose de réjouissant à voir quelques initiatives récentes rappeler que sans action, le combat ne sert à rien ou presque. Des initiatives concrètes, réelles, qui prouvent que c’est en faisant qu’on oubliera ces esprits chagrins qui pensent encore que le mot « femme » n’est qu’un diminutif pour « jolie à regarder mais ça s’arrête là ».
Le problème concerne particulièrement celles que l’on appelle dans un joli paradoxe « les femmes de l’ombre ». En effet, si les actrices et les réalisatrices semblent réussir à trouver un chemin vers la parole publique leur permettant au moins de dénoncer l’inégalité de traitement dont elles sont victimes, les directrices photo, elles, sont plus discrètes. Et pourtant, le problème les concerne sans aucun doute, notamment quant au préjugé qu’elles doivent combattre très souvent : « oui, mais elles ne sont pas assez nombreuses, elles n’existent pas » (si au Québec, on peut aisément évoquer les noms de Josée Deshaies, Sara Mishara ou Jessica Lee Gagné, aux États-Unis, force est de constater qu’elles semblent en effet moins reconnues).
Lancée il y a à peine quelques semaines, le International Collective of Female Cinematographers a ainsi pour sa part décidé de s’attaquer au problème bille en tête. Déterminé à faire disparaître cette idée reçue souvent entretenue que la direction photo est principalement un métier pour ces messieurs (le communiqué annonçant sa création affirme ainsi que « the aim of the collective and web presence is to establish that female Directors of Photography are not, in fact, an anomaly »), et à faire en sorte que leurs membres puissent mieux être représentés et trouver plus facilement de l’ouvrage, l’ICFC s’est ainsi doté d’un tout nouveau tout beau site web où sont ainsi mis de l’avant les réalisations (cinéma, télé, jeux vidéo…) de ces dames ainsi qu’une base de données complète et internationale avec pour chacune une bio et des extraits de son travail. Un gadget ? Considérant qu’au cours des 5 dernières années, sur les 250 films les plus rentables, seuls 3% (1.8, si l’on regarde les productions entre 1994 et 2013) des directeurs photos étaient des filles et qu’aucune d’entre elles n’a jamais réussi à récolter ne serait-ce qu’une nomination aux Oscar, probablement pas….
De la même façon, la DOP Autumn Eakin, a inauguré au cours des dernières mois un site web basé sur le même principe (valoriser le travail de ses consoeurs et créer un groupe de réseautage) : Cinematographers XX
Deux initiatives simples, certes, mais qui rappellent chacune à sa façon d’abord que l’on n’est rarement aussi bien servi que par soi-même mais surtout qu’au-delà des beaux discours et des cris d’alarme, ce sont bien les initiatives concrètes et réelles qui font véritablement changer les choses.
Bon cinéma
https://www.cinematographersxx.com/
9 juin 2016