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Éditos

Western – Histoires parallèles

par Bruno Dequen

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La mort du Western a été annoncée au moins autant de fois que celle du cinéma. Certes, ce genre mythique, qui fait partie de l’histoire du septième art depuis ses premiers temps et a connu son apogée populaire il y a déjà plus d’un demi-siècle, n’a plus la même prédominance qu’autrefois. Si John Ford pouvait se présenter simplement en disant « Je m’appelle John Ford. Je fais des westerns. », peu de cinéastes pourraient en faire autant aujourd’hui. Ceci dit, l’avis de décès n’a pas été prononcé, et le Western nous semble au contraire bien vivant. Comme le soulignent Apolline Caron-Ottavi et Julien Fonfrède dans l’introduction de notre dossier consacré aux histoires parallèles du genre, l’exposition récente du Musée des beaux-arts de Montréal, les nombreux projets de séries, les films et, surtout, les innombrables références et emprunts au Western dans le cinéma, la culture populaire et même à l’Assemblée nationale française, nous rappellent que l’imaginaire occidental, fortement imprégné de l’imaginaire et des enjeux sociopolitiques du genre, est loin d’en avoir fini avec le Far West.

Comme pour n’importe quel pan de l’histoire du cinéma, l’accessibilité actuelle de nombreux films a permis à des auteurs de revenir récemment sur le Western afin d’en dresser un portrait exhaustif, à l’image de l’Encyclopédie du western publiée par Patrick Brion, qui recense plus de 1100 films. Plutôt que de tenter une entreprise similaire, nous avons opté pour un ensemble de gros plans sur des aspects plus inusités ou apparemment mineurs de la grande histoire du Western, afin de privilégier les découvertes et de réfléchir sur la nature polymorphe et autocritique d’un genre qui, par la force de son identité formelle et de ses implications idéologiques, continue d’être un terrain de jeu, de réflexion et de destruction privilégié pour de nombreux artistes, qu’ils soient américains, québécois, italiens, russes ou japonais.

Le dossier se présente sous un angle géographique, portant d’abord sur les films américains, avant de s’attacher à la présence du Western ailleurs dans le monde. Mais il propose avant tout d’observer en quoi le moindre travail sur le genre devient un acte politique en soi, qu’il s’agisse d’en exploiter ou d’en détourner la forme pour l’ajuster à une pensée communiste dans les red westerns, ou de privilégier d’improbables castings multiculturels afin de l’ouvrir à une pensée plus anarchique dans les westerns spaghetti. Travailler le Western, c’est nécessairement réécrire l’Histoire et repenser les rapports de force. Cette réflexion ne se limite pas au dossier et s’étend à une grande partie de ce numéro. Pensons notamment à l’entretien effectué par Philippe Gajan auprès du cinéaste Travis Wilkerson, obsédé par la nécessité de bâtir une contre-histoire du monde et de l’Amérique. Dans sa chronique ItinErrances vidéographiques, Marc Mercier observe les détournements ludiques et politiques du genre effectués par les artistes vidéo. Repenser des modèles préétablis, c’est également, en quelque sorte, ce qui est au cœur de la chronique sur les jeux vidéo de Damien Detcheberry, qui observe, avec le cinéma en tête, les nouveaux modèles de distribution numérique des jeux et leur impact sur les publications critiques. Alors que Céline Gobert se penche, quant à elle, sur la série Mindhunter dans le contexte de l’œuvre de David Fincher pour y déceler une volonté d’ouverture vers l’autre. Enfin, étant donné qu’il avait été décrit à l’époque de sa sortie par Pierre Barrette comme un film dont la référence esthétique principale était le Western, l’occasion était trop belle pour ne pas rééditer sur DVD Elle veut le chaos de Denis Côté.

Avant de vous laisser parcourir ces pages qui, l’air de rien, rassemblent des films puisés à travers toute l’histoire du cinéma, quelques mots sur des changements à venir. Comme vous pouvez vous en apercevoir, le présent numéro comporte davantage de pages. Il représente la première étape d’une refonte de la revue, qui va changer de format dès le prochain numéro (à paraître en juin) et passera désormais de 5 à 4 numéros par an. Loin de réduire notre contenu, ce changement vise au contraire à concevoir des numéros plus denses qui nous permettront de mieux développer nos dossiers, tout en vous proposant un objet qui sera un croisement entre le livre de collection et la revue traditionnelle.

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26 mars 2018