Annecy 2014 J-0
par Nicolas Thys
Dans le monde de l’animation, on compte les gens qui finissent encore leur bouteille de rakia à Zagreb et ceux qui sont déjà à Annecy afin de fignoler les derniers préparatifs du festival à l’image de son délégué artistique primé à Animafest il y a quelques jours à peine, Marcel Jean. Déjà sur le qui-vive face aux bogues de ces derniers jours sur le site internet, on pouvait aussi apercevoir dès ce matin le staff entouré de bénévoles déjà déployés, puis au gré du soleil et du lac, quelques personnalités ci et là qui s’imprègnent de l’atmosphère de cette ville savoyarde où les images animées vont bientôt couler sur les écrans au même rythme que le fromage fondu dans les caquelons.
Ce samedi était également l’occasion d’aller faire un tour du lac en chanson et en hommage à Noémie Marsilly, qui fêtait son anniversaire ce vendredi, ainsi qu’à son film, Autour du lac, coréalisé avec Carl Roosens, très justement primé l’année passée et qui reste dans les mémoires. Et la promenade était un bon moment pour faire le point sur ce qui est présenté et qu’on a déjà vu, notamment dans le domaine du long métrage.
Que les courts aient déjà été proposés en festival, notamment à Clermont-Ferrand ou à Cannes, cela parait logique, car ceux-ci proposent un vivier de découvertes toujours important et jamais ils n’ont bénéficié d’une sortie en salle. Mais il n’en va guère de même pour les longs. Alors que de nombreux festivals importants refusent souvent les films ayant bénéficié d’une sortie sur les écrans, les Français ont déjà pu voir trois des films proposés en compétition : Cheatin’ de Bill Plympton, Minuscule de Hélène Giraud et Thomas Szabo et L’Île de Giovanni de Mizuho Nishikubo.
Au-delà de leur qualité générale, il est difficile de comprendre la raison de leur présence ici. Annecy est un festival majeur, une vitrine importante pour le court, mais aussi pour le long métrage. Les distributeurs et producteurs se devraient de jouer le jeu et le festival, de refuser la compétition officielle à ceux déjà sortis pour ne proposer que des inédits, ou au mieux leur laisser le hors-compétition.
Ce n’est pas comme si la liste se devait d’avoir neuf films à tout prix ni comme si les œuvres manquaient. Ces quinze dernières années, la production a énormément évolué et les techniques également. La précision toujours accrue des technologies informatiques, qu’on ne peut plus qualifier de « nouvelles », mais plutôt d’évolutives, va de pair avec le développement du nombre de projets en production. Rien qu’au niveau européen, leur nombre est d’ailleurs si important qu’un forum de coproduction est organisé tous les ans à Lyon, Cartoon Movie. Si la production globale se fait parfois au détriment de la qualité générale, certaines merveilles finissent sur les écrans et les meilleurs films français de ces dernières années sont souvent animés.
Quitte à ne pas valoriser ceux qui refuseraient de jouer le jeu, à abaisser le nombre de longs en lice, le caractère inédit des films en salle dans le pays même où se déroule le festival devrait être un facteur important. La défense de l’animation passe pour beaucoup par les festivals qui sont à leur manière, par leur existence même et par leur faculté de sélectionner, de montrer, de déplacer des foules, des actes critiques et militants. Si le court métrage en a besoin, le long aussi, et l’oublier reviendrait à faire de la promotion. Si l’année passée, en compétition, Alain Ughetto et dans une moindre mesure Luiz Bolognesi offraient des regards différents, le hors-compétition réservait aussi de belles surprises qu’on aurait voulu voir se disputer le prix. On aurait beau crier à la mort d’une forme et à son uniformisation, l’animation traditionnelle était plus présente que jamais et ce ne sont pas Chris Sullivan, Don Hertzfeldt, Kevin Schreck ou Max Andersson et Helena Ahonen qui nous contrediront. Mais la résistance est de rigueur aussi face à l’industrialisation, à la promotion, et il faudrait se passer de ceux qui n’ont plus rien à offrir, car ils sont déjà sortis.
En attendant, demain on quittera le lac pour prendre le chemin du château où les expositions se mettent en place et on ira rencontrer quelques nouveaux arrivants, notamment des Québécois.
8 juin 2014