Annecy 2014 J-0,5
par Nicolas Thys
Le festival est désormais partiellement commencé. Pour les professionnels, la presse ou les étudiants, les bureaux des accréditations ouvraient leurs portes ce dimanche avec encore quelques surprises concernant les réservations mais bien résorbées dans l’ensemble. C’était aussi le moment de commencer les interviews avec quelques réalisateurs déjà présents et notamment la Canadienne Marie-Josée Saint-Pierre dont c’est le premier passage à Annecy, pour Flocons, et dont le tout aussi récent Jutra fut montré à Cannes voici deux semaines. Nous y reviendrons, car son travail est en étroite relation avec celui du centenaire de l’année, Norman McLaren, auquel le festival rend un hommage aussi appuyé que mérité avec performances, programmes spéciaux et expositions.
La dynamique du festival se met donc doucement en place avant l’ouverture officielle ce lundi avec un Cristal d’honneur remis à Isao Takahata. Comme tous les ans, la première séance du festival, justement intitulée Le grand sommeil, pourra être consacrée à la mémoire des principaux disparus de l’année précédente où il est possible de voir ou revoir sur grand écran une de leur œuvre phare. Au programme : les bercements poétiques des chaises de Frédéric Back, les pataphysiques pompes shadockiennes de René Borg sur grand écran, les dessins à la main tourmentés de Michael Sporn, un court de Jimmy Murakami dont on ne cite le plus souvent que son long Quand souffle le vent, une très belle et récente production coréenne de Xavier Julliot réalisée par Mi-Young Baek mais aussi, et sinon surtout, Nag Ansorge.
Pourquoi ce « surtout » alors que les noms cités auparavant ne sont pas moins majeurs ? Parce que le cinéaste, souvent accompagné par sa femme Gisèle décédée en 1993 lors de la réalisation de leurs courts métrages, a pratiquement disparu des circuits et des horizons cinéphiliques. Difficile à trouver en DVD (mais disponible ici), leurs films sont peu visibles en ligne et outre les dernières nécrologies, rares sont les textes qui leur ont été consacrés ces vingt dernières années (même si on a ouï dire qu’une thèse portant sur leur cinéma pourrait être en préparation en Suisse). Finalement, ils demeurent peu connus, surtout des plus jeunes, alors que leur œuvre très diverse et variée est l’une des plus rayonnantes de la seconde moitié du 20e siècle. Trnka fut pour eux une révélation et, commençant en marionnettes avant de tourner des courts de commandes, des documentaires et autres projets avec des patients internés en psychiatrie, ils ont fini par trouver leur voix dans les films en sable de quartz noirci, animant un matériau hautement en combinant légèreté et fragilité avec un dynamisme et une fluidité impressionnante. On peut mentionner parmi les immanquables Les corbeaux, Anima ou leur dernier film projeté ce lundi : Sabbat. C’est donc une occasion unique, même si quelque peu macabre, de découvrir le travail d’un des grands maîtres du mouvement et surtout d’un mouvement singulier puisqu’il combine une animation point par point et volatile avec la précision d’un geste tracé. Il serait intéressant à l’occasion de confronter leur œuvre sableuse avec celle d’autres animateurs ayant parfois travaillé la même matière, même très différemment, comme Mohammad Reza Khanzad, Caroline Leaf, Daniel Suljic, Florence Miailhe ou encore cette année en compétition Priit et Olga Pärn et Maryam Kashkoolinia.
Une fois percés quelques-uns des secrets de la stop motion avec un programme riche et varié qui nous attend tout au long de la semaine, la poudre pourrait être une autre technique particulièrement passionnante à honorer.
Photo par Aline Kundig. Source : https://asifa.net
9 juin 2014