Annecy 2014 J-2
par Nicolas Thys
Après une première sélection forte, on a assisté à une deuxième un peu en retrait, mais où quelques courts se dégageaient davantage de l’ensemble. Cette fois, la tendance était aux films à destination des plus jeunes, ou supposés l’être, comme Moulton og meg de Torill Kove, La petite casserole d’Anatole d’Eric Montchaud, voire l’hilarant Don’t Hug Me I’m Scared 2 – Time de Becky Sloan et Joe Pelling.
Le premier était peut-être le plus attendu de cette sélection tant les courts de la cinéaste norvégienne, produite par l’ONF, sont aussi rares qu’importants. C’est son troisième en quinze ans et les deux premiers ont été finalistes pour l’Oscar du meilleur court métrage d’animation, avec une victoire pour le second. Elle revient avec le graphisme simple qu’on lui connait, très coloré et sans fioriture, et une histoire empreinte d’une certaine naïveté, aux allures autobiographiques, sur une petite fille d’une dizaine d’années qui cherche à être normale dans une famille étrange par rapport au reste du monde. Sa Moulton, un vélo britannique, est un objet ambigu, car décalé, mais source de joie, à l’image des parents.
Le thème de l’anormalité revient aussi dans le film d’Eric Montchaud, une belle métaphore en stop motion sur ce qu’est être différent et sur la manière de vivre avec cette différence, qu’elle soit physique ou comportementale. La casserole est juste le poids que chacun traine derrière lui et avec lequel il faut apprendre à vivre; on peut la remplacer par ce qu’on veut. Le dernier, d’un duo britannique, est plutôt une parodie de film pour enfants, comme si les bonshommes en feutre de Sesame Street avaient un peu trop côtoyé les Rabbit de Lynch. Sur une rengaine amusante se déploie toute l’absurdité d’un monde gouverné par un temps trop fort pour être maitrisé, qui n’accepte aucune critique et détruit tout sur son passage dans une horreur surréaliste et morbide.
Autre constat après 18 courts, c’est que les films à tendance horrifiques sont nombreux. Le genre plait et commence à trouver ses marques pour arriver en compétition. On regrettera toutefois que le Pickman’s Model de Pablo Angeles, adapté de Lovecraft, soit bien plus un film horrible qu’un film d’horreur. Venu du Mexique, on s’attendait à voir des marionnettes en stop motion, mais dès les premières images, quelque chose dans le rendu général choque. Les personnages ont des allures de poupées de bois, mais quel bois pourrait avoir l’air aussi plastifié et factice ! On se rend vite compte que ces poupées n’ont aucune matérialité, que les textures ne sont pas adéquates et qu’il ne s’agit que d’une mauvaise imitation de stop motion en images de synthèse. Pourquoi rejouer une technique par ordinateur alors que celui-ci devrait être une technique à part ? D’autant que les Mexicains tentent de reproduire le mouvement des marionnettes, mais n’en proposent qu’une caricature, peu fluide et bancale, afin de tromper un public qui ne s’y prendra pas. Le simple fait d’avoir voulu faire le film ainsi est stupide et l’horreur ne vient donc pas tant de Lovecraft que de la réalisation. Après la stop motion avec des protagonistes si lisses qu’on se croirait dans de la CGI, s’il y a une nouvelle mauvaise idée contre laquelle il est nécessaire de lutter pour que l’animation soit prise au sérieux et considérée, c’est bien celle-ci.
11 juin 2014