FNC 2008 – Blogue 1: Dans la fosse aux lions
par Helen Faradji
Après une soirée d’ouverture réussie, inaugurant le nouveau haut-lieu du festival du nouveau cinéma (la fameuse tanière, qui accueillera notamment tous les événements du FNCLab et autres joyeux rassemblements dans l’agora du cur des sciences de l’UQAM) et la présentation du film d’ouverture, choisi avec audace et cinéphilie, Un capitalisme sentimental d’Olivier Asselin (retrouvez la critique de Marcel Jean dans le dernier numéro de 24 Images), le festival prend aujourd’hui son envol. Pour de vrai.
Et mazette, quel envol! Faudrait-il se cloner pour parvenir à poser les yeux sur toutes les promesses de sa programmation? À moins d’être raélien, la chose semble difficile et voilà le cinéphile, comme chaque année, forcé de faire ce qu’il déteste le plus : des choix. Des choix guidés par notre seule subjectivité ou encore par le nombre de places disponibles. Car figurez-vous qu’avant même le début de la chose, certaines séances (comme celle de la Mémoire des Anges, fabuleux voyage dans le temps de Montréal signé Luc Bourdon) étaient déjà complètes. La preuve, encore une fois, que l’absence (ou presque) de premières mondiales et universelles, un reproche parfois fait au festival, n’a qu’une incidence toute relative sur l’enthousiasme des foules.
Ceci étant dit, revenons au vif du sujet et à nos premières surprises de l’année. C’est du côté de nos voisins d’extrême-Sud qu’il nous faudra aller les piocher avec Estomago, récit des aventures d’un apprenti cuisinier apparemment idiot comme la lune, mêlant vengeance et chair fraîche avec humour et fougue, du brésilien Marcos Jorge ainsi que Voy a Explotar, signé Gerardo Naranjo, qui suit les aventures romantiques et nerveuses de deux jeunes Bonnie and Clyde adolescents mexicains en pleine rébellion existentielle. Après les prix du public remis, l’année dernière, à La Zona de Rodrigo Plà et de la critique à XXY de Lucia Puenzo, tous deux argentins, le festival poursuit avec raison et intuition son exploration d’une cinématographie bouillonnante, vibrante, peut-être parfois maladroite mais pleine d’une sève que l’on regrette de voir aussi rarement le reste de l’année.
Rayons surprises, on se dépêchera aussi d’aller découvrir Hunger, 1er long du britannique Steve McQueen (ce nom, mes amis, ce nom ) caméra d’or à Cannes, que Rafaël Ouellet nous avait dans ces pages même chaudement recommandé. C’est un rendez-vous.
Si du côté francophone, on pourra sans crainte aller se frotter aux films d’Agnès Varda (Les plages d’Agnès et son collage autobiographique à enthousiasmer les plus grincheux), de Robert Guédiguian (Lady Jane, où le marseillais transforme sa ville chérie en théâtre d’une tragédie vengeresse particulièrement noire et rock’n roll) ou encore de Manuel Foglia (une surprise que ce Chers Électeurs, qui documente le quotidien de deux élus québécois de camps opposés, et une belle surprise en plus), reste un film qui fait un peu tache dans le décor. Celui choisi pour faire l’ouverture de la section Focus : All Together Now, d’Adrian Wills, illustration sans relief ni imagination du processus de création du spectacle Love par le Cirque du Soleil. Un documentaire aux allures de reportage télé qui ne tient qu’au fil de la (toujours) formidable musique des Beatles habilement disséminée ça et là et bien loin de pouvoir endosser dignement l’habit de film d’ouverture. Pour se consoler, on peut néanmoins se rabattre avec beaucoup plus de bonheur sur le court-métrage qui le précède, Spare Change de Ryan Larkin et Laurie Gordon (cette dernière ayant poursuivi le travail de Larkin après son décès en 2007), un petit 6 minutes d’émotion animée, d’intelligence concentrée et de pied de nez à la réalité particulièrement poétique.
Mais le festival, c’est aussi les rencontres. De ce côté-là, de belles choses à espérer du côté de la rencontre prévue avec le cinéaste français Jacques Doillon (13h, salles Cassavetes) où M. Ponette lui-même détaillera à qui voudra bien l’entendre, et en présence des étudiants du conservatoire d’art dramatique, les détails de son uvre et son rapport aux comédiens, et bien sûr, puisque rien n’est gratuit en ce bas monde, de son dernier film Le premier venu. À ce sujet, on nous pardonnera d’aborder un sujet qui chicote en ce premier jour de liesse, mais pourquoi diable cette rencontre a-t-elle lieu avant la projection dudit Premier Venu qui, elle aura lieu à 21h15? Ou pour faire plus simple, pourquoi la projection du film n’a pas été conçue pour précéder directement l’échange? Ce dernier y aurait sûrement gagné en profondeur et en pertinence.
Sur ce, il ne reste qu’une chose à dire : bon festival!
12 novembre 2013