FNC 2008 – Blogue 3: Viva Van Damme!
par Marcel Jean
À l’heure où j’écris ces lignes, la projection de Detroit Metal City de Toshio Lee, qui ouvre la section Temps 0, n’a pas encore eu lieu, de sorte que je ne peux pas vous dire si Julien Fonfrède, l’énergique programmateur de la section, s’est pointé à l’Impérial en arborant un maquillage glam et une perruque dans le même ton. J’imagine que oui. En fait, je l’imagine bien déguisé en Peter Criss, sa tête de félin rusé arborant des moustaches de satisfaction. En fait, je ne verrai pas le maquillage de Fonfrède, un conflit d’horaire m’empêchant d’assister à la première montréalaise de cet objet indescriptible et inclassable qu’est Detroit Metal City, dont Jason Béliveau vous a déjà glissé un mot hier. Mais j’ai déjà eu la chance de goûter à la folle naïveté et à la posture extravertie de ce film qui fait du kitch une conception du monde, entraînant le spectateur au coeur des émois d’un garçon qui se verrait en chanteur d’Abba mais qui se retrouve leader d’un groupe de death metal, fagoté en empereur démoniaque. Une preuve de plus qu’Ingmar Bergman est mort. La première avait donc lieu hier soir et une autre séance est programmée le dimanche 19 octobre, à 19h, au cinéma du Parc.
Au programme aujourd’hui, 19h30 à l’Impérial, toujours dans le cadre de la section Temps 0, JCVD de Mabrouk El Mechri, entreprise réjouissante d’autodérision et de réflexion sur l’image - LE grand sujet auquel le cinéma a le devoir de se colleter. Le JCVD en question c’est Van Damme, que tout le monde appelle Jean-Claude, qui se trouve au cur d’un méta-film qui rappelle à plusieurs égards le Wes Craven’s New Nightmare, de Wes Craven. Sincérité de la mise en scène au coeur d’une entreprise de mise en scène de la sincérité, voilà ce que nous offre El Mechri, avec une poigne et un esprit qu’on ne lui soupçonnait pas. À l’aise à mettre son image en jeu jusqu’à exposer ses limites de comédien (il faut voir la scène ahurissante de la confession, qu’El Mechri installe avec une ironie fine, du type « Vous n’êtes pas absolument obligés d’y croire! »), Van Damme sort de là grandi. Quant au spectateur, il a droit en vrac à l’humour belge, à deux ou trois scènes d’action avec coups de pied renversés, à une prise d’otages avec psychopathe vraiment méchant, à quelques lignes grinçantes sur Hollywood (avec un agent dépassé qui propose à l’acteur un film dans lequel il a tourné six mois plus tôt) et à plein d’autres choses.
Du côté des courts métrages, on peut voir aujourd’hui le programme intitulé « Expériences », à 19h20, à Ex-Centris. Des cinq films du programme, j’en ai vu trois. D’abord Running Sushi, une pièce majeure des Viennois Maria Mattuschka et Chris Haring. Inspirée d’une performance de la troupe de danse contemporaine Liquid Loft (dont Haring est le pivot), cette monobande nous transporte quelque part entre l’univers de Dave St-Pierre et celui de Philippe Decouflé, avec un penchant affirmé pour le psychodrame parodique. C’est brillant, c’est sonorisé avec génie, ça décoiffe. Voilà qui appartient au meilleur de ce que peut aujourd’hui nous offrir l’art vidéo. Je ne pense pas beaucoup de bien de Night Vision, du Canadien Phillip Barker, et passerai donc rapidement sur ce pensum surréalisant. Mieux vaut m’attarder au travail du désormais vétéran F.J. Ossang dont le FNC présentait déjà L’affaire des divisions Morituri il y a plus de vingt ans, Claude Chamberlan clamant alors aux spectateurs médusés par l’univers punk du cinéaste qu’il s’agissait du meilleur film du festival F.J. Ossang, donc, qui présente cette année Ciel éteint!, suite de fulgurances poétiques et expressionnistes tournées quelque part aux confins de la Sibérie. Ossang, qui incidemment préparerait un film en coproduction avec le Québec, reste absolument fidèle à lui-même, filmant les paysages comme des corps et les visages comme des paysages. Avec lui, le cinéma est beaucoup affaire de sensation, un peu affaire d’émotion. C’est ça, la poésie.
12 novembre 2013