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Festivals

FNC 2008 – Blogue 7 : Entre poésie et réalisme

par André Roy

Hier était le jour d’élections, et la fréquentation au FNC a baissé quelque peu. Les spectateurs des films de la soirée ont, en plus, subi un chambardement dans leurs horaires pour cause de formats de film et de projection qui ne coïncidaient pas. Changement de salles donc, retard de 45 minutes ici et là. Cela était d’autant regrettable, que c’était une séance de courts métrages (« Accent 1 : Mémoires ») –- elles sont rarement courues -– qui a provoqué tout ce charivari. Jusqu’à présent, on se réjouissait que les projections commençassent à l’heure ou presque, contrairement aux dernières années où l’on pouvait attendre une heure pour certaines séances en retard. Tout se rétablira correctement, on en est sûr.

Lendemain d’élections, donc. On oublie candidats élus et défaits, on ronge son frein (quand même un gouvernement quasi majoritaire au pouvoir et qui n’apprécie guère la culture!), on va se dépouiller de ce mauvais rêve en allant au cinéma, au FNC, où les belles surprises nous attendent, et parfois plus, comme ce film remarquable, Tulpan, premier long métrage du Kazakh Serguei Dvostsevoy. Cette oeuvre nous a laissé cloué à notre siège par sa beauté énergique, par sa mise en scène aussi étonnante que sublime, par son histoire de bergers nomades qui vivent difficilement dans la steppe, et où la différence entre le bonheur et le malheur peut se confondre tant les situations et les sentiments semblent naître en des secousses telluriques du tourbillon du vent et de la sécheresse de la terre, s’éclairent et s’embrouillent en même temps que les changements de température et de lumière. Le filmage semble ainsi tenir autant de l’accident que de la rigueur. L’expérience de documentariste de Dvorstevoy nous permet de connaître la vie éprouvante et triste des nomades kazakhs, qui habitent encore pour un temps dans des yourtes, dont ils devront se défaire pour s’exiler (probablement en ville). Ajoutons à cette expérience un talent de narrateur sûr, qui enveloppe dans une poésie sombre et pure une histoire d’amour déçu (Asa – qu’on ne voit pas, d’ailleurs – repousse la demande en mariage de Tulpan) et qui n’oublie pas non plus ni l’humour ni la sensualité, et nous tenons là une œuvre qui éblouit. Le film, acheté par un distributeur québécois, prendra donc l’affiche dans quelques mois; il ne faut pas le rater.

Il ne faut pas non plus rater Cloud 9, le cinquième film de l’Allemand Andreas Dresen, qui prend ici un nouveau tournant puisqu’on le connaissait comme réalisateur de comédies, dont Un été à Berlin (2007). Il prend ici un chemin risqué en racontant une histoire d’amour entre deux personnes d’un certain âge : Inge, qui a 60 ans, tombe amoureuse de Karl, qui en a 76. Le cinéaste aurait pu glisser dans le mélodrame calamiteux, la comédie caricaturale ou le drame affecté. Mais non. Il a évité la sensiblerie dans l’exposition des sentiments, l’indiscrétion dans la représentation de l’amour physique et la surenchère dans la désolation (que suscite Inge dans son couple, son mari n’acceptant pas cette « addition » amoureuse). Le filmage frontal, sans apprêt, austère même, donne un récit d’un réalisme aussi vigoureux qu’il est simple. Ce drame, peu figuré au cinéma et dont le sujet y est presque tabou, prendra aussi l’affiche au Québec puisqu’un distributeur s’en est porté acquéreur.

Petit conseil avant de terminer : même si l’on sait qu’ils seront projetés dans quelques jours ou quelques semaines, on peut se faire un grand plaisir en allant voir les films québécois, chacun très différent de l’autre. On peut donc se presser, entre autres, à Lost Song de Rodrigue Jean, Elle veut le chaos de Denis Côté et La mémoire des anges de Luc Bourdon.

 


12 novembre 2013