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Festivals

FNC 2008 – Blogue 8 : « le réel, tu regarderas, mais la fiction, tu n’oublieras pas »

par Helen Faradji

Le soleil est parti, les conservateurs sont revenus et le Festival du Nouveau Cinéma, lui, continue l’air de rien, son petit bonhomme de chemin. À mi-parcours, la tentation de qualifier cette 37e édition de grand cru est d’ailleurs grande. Pléthore de beaux films, invités de qualité, bourdonnements constants autour de ses principaux lieux et esprit cinéphile entretenu sur le bitume sont au programme. De belles phrases, aussi, glanées dans la rue, comme ce « c’est une période faste pour les créateurs, le cinéma a encore beaucoup de mondes à inventer » professé par un quidam devant l’Ex-Centris, ou ce trait de coquetterie signé Jacques Doillon lors de sa classe de maître jeudi dernier, « Considérez-moi comme une vieille dame et ne me parlez pas de mon âge ». Les paris sont ouverts pour savoir quels mots seront à retenir aujourd’hui. Ceux d’Abdellatif Kechiche, que nous sommes invités à rencontrer à 13h, salles Cassavetes ? Ou ceux de Jérôme Beaujour, co-scénariste de La moustache d’Emmanuel Carrère, qui tiendra une classe de maître à 10h à La tanière? On sait par contre que ce ne seront pas ceux de Tony Leung, dont la visite a été décommandée juste avant le festival. Dommage pour la projection d’Ashes of Time Redux, prévue pour 19h30, mais passée à la trappe et remplacée par l’invité surprise de dernière minute du festival, Zack and Miri make a porno, de Kevin Smith. Qui ricane dans le fond de la salle?

Restent néanmoins de gros morceaux à se mettre sous la dent aujourd’hui. Comme le chouchou du dernier festival de Cannes, Valse avec Bachir, d’Ari Folman, documentaire d’animation hybride et puissant sur la guerre du Liban en 1982 (pour la critique de Marcel Jean, c’est ici). Comme encore Lost Song, nouvel opus de Rodrigue Jean dont mon collègue André Roy vous entretiendra en détail demain. Comme encore L’Homme sur le fil, documentaire palpitant et envoûtant sur le funambuliste Philippe Petit. Ou comme enfin Il Divo, de Paolo Sorrentino, prix du jury à Cannes et observation baroque et fascinante du pouvoir en Italie à travers un portrait féroce et fin Giulio Andreotti, à l’aube d’un 7e mandat de Président du Conseil. On y rencontre un acteur, Toni Servillo, absolument remarquable de prestance et de charisme retenu, rendant son personnage au physique de tortue sournoise aussi terrifiant qu’attachant.

Mais l’autre événement, ce devait aussi être Rachel Getting Married, de Jonathan Demme. Précédé de rumeurs d’oscar pour Anne Hathaway et ses cheveux balai-brosse claironnées ici et là pour ce rôle de frangine junkie particulièrement insupportable venant gâcher le mariage de sa soeur, le nouveau film de Mr. Agronomist / Silence of the lambs (les deux ont leurs fans), sur un scénario de Jenny, fille de son père, Lumet, promettait beaucoup. Après vérification, il reste surtout une illustration parfaitement décevante de ce que cette nouvelle association intime entre la fiction et le documentaire peut donner de pire. Au point même qu’on inventerait bien, juste à cause de lui, un premier commandement à respecter pour qui veut tâter de cette forme hybride : « le réel tu regarderas, mais la fiction tu n’oublieras pas ». Car, en oubliant de véritablement raconter une histoire, en ne gardant du documentaire qu’une forme vide, Demme transforme sa fable sur la famille en noces d’un ennui suprême. À ranger au rayon des souvenirs de épousailles ratées.

Pour se remonter le moral, il faudra être curieux et se garder une place, à 17h30 à l’Impérial, pour aller découvrir cet Atelier K, dévoilement officiel du premier projet de « production alternative semi-professionnelle de micro-cinéma » (ça ne s’invente pas) de Kino. 6 créateurs, du bénévolat, de l’entraide et un programme de 6 films, signés Jéricho Jeudy, Jules Saulnier, Kim St-Pierre, Jean-François Robichaud, Olivier Gilbert et François Jacob : l’occasion de découvrir ces noms de demain est trop belle pour la laisser passer.

Bon festival!


12 novembre 2013