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Festivals

Cannes 2013. Jour 2.

par Philippe Gajan

Sofia Coppola, la naufragée de Beverly Hills…

D’où vient ce pénible sentiment que quelque chose s’est brisé chez Sofia Coppola, comment décrire ce désarroi qui nous étreint quand la princesse qui nous avait offert cette formidable trilogie sur l’étranger (Virgin Suicides, Lost in Translation, Marie Antoinette) se fourvoie désormais dans cet « enfer » pour gosse de riches qu’elle arpente depuis Somewhere. Avant, elle été « perdu », avec nous; elle est maintenant « quelque part » mais sans nous. Et The Bling Ring, son nouveau film, ressemble plus à un reportage pour chaîne d’ados sur les maisons huppées des vedettes de Beverly Hills (ouh! Quel délice de se glisser dans les chaussures de marque de Paris Hilton… j’en frissonne) qu’à un film. Y manque le regard (ironie de sa sélection dans la section Un certain regard…), une distance, un cadre, une petite musique, enfin n’importe quoi. Quelque chose qui nous prouverait qu’elle a lu Brett Easton Ellis (American Psycho, Glamorama, …) et que son « essai » est autre chose que ce qu’il paraît être : une pub (mal faite) en route pour le ¼ d’heure de gloire habituel. Quand au second degré (réflexion sur la vacuité du monde, sur la difficulté d’y trouver sa place, sur le miroir aux alouettes de cette société des apparences, …), on connaît la chanson par cœur!

Jia Zhang-ke, dans le genre…

La difficulté de trouver sa place dans une société néo-libérale… Le grand portraitiste de la transformation à marche forcée de la Chine contemporaine, par contre, lui en sait quelque chose et n’a pas fini de le faire savoir. Pour le coup, il a décidé de changer de méthode, sous peine de se voir accuser de radoter. Or donc, quatre faits divers extrêmement violents dans quatre régions différentes de Chine, quatre moyens métrages et quatre genres cinématographiques différents. Le premier prend par surprise : ça commence comme du Kitano (coproducteur, tiens donc) et ça vire au grand guignol sanguinolent (un mineur, exaspéré par la corruption qui règne dans son village, se fait justice…). Étonnant non? De son propre aveu Jia Zhang-ke s’essaye dorénavant au wuxia (film d’arts martiaux), rend hommmage à A Touch of Zen de King Hu (d’où le titre de son film en anglais A Touch of Sin) et s’est profondément inspiré de la littérature, de l’opéra et de la peinture classique chinoise. Certes, le film avec ses quatre segments paraît peut-être un peu schématique tellement il a voulu en mettre. Pourtant, difficile de ne pas admirer l’ambition de ramasser toute la Chine et la montée de la violence subie par les laissés pour compte du nouvel ordre chinois en quatre esquisses. D’autant que ces laissés pour compte n’ont d’autre alternative que de retourner cette violence contre l’oppresseur, quelque figure qu’il prenne. Jia Zhang-ke nous prend là où Escalante nous a laissé. Étranges raccourcis que peuvent prendre les aléas d’une programmation de festival…


24 juin 2013