Cannes 2016 : Grave de Julia Ducournau
par Philippe Gajan
Grave de Julia Ducournau
Un film gore féministe ultra décomplexé… Et donc forcément jouissif
Et quand on dit décomplexé (dixit son producteur), c’est peu de le dire ! Par rapport au cinéma (l’une de ses actrices disait avoir vu le film pour la première fois le matin même et avoir réalisé qu’elle jouait dans une oeuvre d’art! ), par rapport au genre dont elle tord les codes les uns après les autres, par rapport au fémininisme dont elle joue des clichés qu’elle fait voler en éclat, par rapport à son spectateur qu’elle entraîne dans une comédie d’horreur survitaminée avec toute l’énergie et le sérieux que nécessite cet everest du divertissement intelligent. Bref, pour un premier long métrage, une vraie réussite.
On reprend. Justine, fille de vétérinaires, brillante, sérieuse, part rejoindre sa soeur aînée dans la plus prestigieuse des écoles … vétérinaires. Ah oui, elle est végétarienne et le premier jour, cette chère soeur l’oblige a ingurgiter un bout de rein de lapin. Car le premier jour, c’est le bizutage, institution qui en prend pour son grade entre parenthèse. Et ce n’est pas un hasard : en installant son film dans un univers aussi connoté, et pas particulièrement célèbre pour sa subtilité , la réalisatrice peut s’amuser à la fois à se vautrer dans les clichés, les codes, les pasages obligés tout en plaçant ses pions. Et c’est un peu le programme du film, ce qui le rend différent et donc intéressant : un jeu de pistes entre blagues débiles et sa propre originalité qui dévoile pierre par pierre un nouvel ordre mondial au sein duquel la femme trône au somment pourvu que les apparences soient sauves (délicieuse ironie…). Sexualité, rapport au corps, animalité, filiation, atavisme, normalité, théorie du genre, féminisme et féminité, rarement tous ces sujets auront été affrontés de façon aussi directe, sabre au clair, avec autant de détermination.
16 mai 2016