Cannes 2016 : Happy Times Will Come Soon de Alessandro Comodin
par Philippe Gajan
I tempi felici verranno presto (Les temps heureux viendront bientôt ) de Alessandro Comodin
Charles Tesson, le programmateur de la Semaine, présentait le film à peu près comme suit : le cinéma est l’art de la perception de loin, celle de la vue et de l’ouïe ; il s’agit de filmer l’invisible d’une part et, d’autre part, de filmer la matière (l’eau, l’air, la terre, etc.). C’est une bonne introduction au nouveau film de celui qui nous avait donné le très beau et sensuel L’été de Giacomo. Ajoutons à cela les affinités avec Miguel Gomes (une production Shellac, le cinéaste portugais Joao Nicolau au montage), et vous aurez un début d’introduction dans cet essai cinématographique aussi intriguant que séduisant. Une histoire de perception donc pour ce conte documentaire naturaliste. D’abord, deux hommes en fuite dans une forêt, la nuit, le jour. Beaucoup de questions (qui sont-ils, d’où viennent-ils, que fuient-ils…), peu de réponses (en fait … aucunes), des ombres, des lumières, des sons nocturnes ou diurnes, des sensations propices à une rêverie voire à des élans irrépressibles vers les vastes territoires de l’imagination. Cela tombe bien, car nous laissons en fâcheuse posture nos évadés. C’est le temps du conte, celui des histoires et de l’oralité, l’histoire par exemple du loup. On raconte que tous les 40 ans le loup tombe amoureux d’une blanche biche… Ainsi va le récit d’Alessandro Comodin. Le spectateur y erre, le cinéma lui offre un univers à arpenter, des résonances à constater ou à inventer. Ce cinéma est libre, nous aussi, le temps d’une rêverie.
Philippe Gajan
17 mai 2016