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Festivals

Cannes 2016 : Mimosas de Oliver Laxe

par Philippe Gajan

Mimosas de Oliver Laxe

On est plus du côté de Albert Serra ou de Lisandro Alonso que de Lawrence d’Arabie, certes. Pourtant, le nouveau film d’Oliver Laxe  (après le documentaire très remarqué Nous sommes tous des Capitaines) est un très grand film épique, un voyage mystérieux sur les traces des Mystères du monde, en immersion dans les magnifiques paysages du Haut Atlas marocain, à la rencontre  de personnages au charisme fou.

Un Cheikh est à la tête d’une caravane au pied des montagnes. Sentant sa fin prochaine et cherchant à rejoindre au plus vite son port d’attache, il décide de traverser ces montagnes malgré les dangers d’une route périlleuse. Sa mort soudaine change les plans du petit groupe qui décide de rebrousser chemin, à l’exception de deux brigands, qui se sont invités par appât du gain. Ils négocient argent contre la promesse de délivrer le cops et repartent flanqués d’un formidable compagnon, le héros de cette histoire biblique : Shakib. Qui est Shakib, que vient-il faire là ? C’est un envoyé, chose certaine. Quelques minutes plus tôt, il jouait les amuseurs public sur un chantier (un Maroc très contemporain cette fois-ci) en contant d’autres histoires bibliques à ses camarades.  Il était question de Dieu, d’Anges, de Satan et de l’âme humaine.  Lorsqu’un personnage mystérieux, manifestement très important, l’envoie rejoindre la caravane, peut-être pour s’assurer que la dépouille du Cheikh rejoindrait sa dernière demeure. Lui-même est donc une sorte de messager, il prêche d’une bien étrange manière, se livrant à des comptines gestuelles entre prières et incantations. Car il sera beaucoup question de foi pendant ce voyage. Celle qui déplace les montagnes, celle du charbonnier ou celle qui s’adresse à Dieu, bref, là non plus ce n’est pas très clair. A moins que cela ne s’adresse plus simplement à tous. Revenons à cette fable que Shakib contre au début du film. Il est question de ce moment où Dieu fait don de l’âme humaine. Seul Satan parmi les anges désobéit et assiste à la dérobée à cet instant.  Dès lors, il sait donc. Mais que sait-il? Là encore, mystère, parabole, conte ou histoire. Certes, nous sommes en terre d’islam,  mais le cinéaste semble embrasser beaucoup plus large, et alors que les péripéties se succèdent sur la route (le chemin… quand il y en a un…) semée d’embûches de nos héros, le film, lumineux et presque serein gagne en hauteur et en sagesse. Et s’il y a bien un miracle, c’est bien en la croyance de la beauté du cinéma et de sa capacité à ouvrir notre regard qu’il se loge.

Philippe Gajan


18 mai 2016