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Festivals

Cannes 2014 – Jour 1

par Jacques Kermabon

Le début de la compétition cannoise se révèle bien souvent décevante. Cette année fera figure d’exception avec l’excellent, drôle et terrible Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, même si, par ailleurs, deux biopic, Grace de Monaco, en ouverture, et Mr. Turner, l’autre film du premier jour de la compétition, contribuent à tempérer notre enthousiasme.

Grace de Monaco appartient à ces films condamnés d’avance et, à cet égard, le film d’Olivier Dahan est à la hauteur de sa réputation. Moins qu’une biographie romancée de la star hollywoodienne devenue princesse, l’action du film se concentre sur une crise entre la France et Monaco à l’heure de la Guerre d’Algérie, qui, pour avoir sans doute compté dans l’histoire de la principauté, n’a guère laissé de trace dans les pages de l’Histoire contemporaine, en tout cas sans commune mesure avec l’importance que cette fiction semble lui accorder et confère ainsi au film le mérite d’une petite révision.

Pour le reste, on raillera facilement une intrigue souvent ridicule qui flatte la fibre people, tantôt singe le climax du thriller ou tente de tremper dans la tragédie propre aux déchirements et trahisons familiales des têtes couronnées. Dans la mesure où rien ne tient vraiment, nous avons tout le loisir de contempler la prestation de Nicole Kidman, un festival à lui tout seul, propre à faire la preuve que, malgré les abus de botox, son visage peut encore faire laisser paraître nuances et expressions.

La biographie consacrée au dernières années peintre de Turner proposée par Mike Leigh ne joue bien sûr pas dans la même catégorie. Elle repose en bonne part sur la prestation, cette fois dénuée de glamour, de Timothy Spall, l’acteur fétiche du réalisateur britannique, tout en grognements bourrus pour signifier la rudesse derrière laquelle Turner dissimulait son intelligence et sa sensibilité. On croise, dans cette méticuleuse reconstitution très documentée, les contemporains du peintre dont le jeune critique Ruskin sous les traits d’un insupportable péroreur. Hormis le savoir qu’il apporte à ceux – et nous sommes sans doute nombreux dans ce cas – qui ignoraient les données biographiques de cet artiste, ses techniques picturales parfois iconoclastes, ses rapports parfois orageux avec son entourage, on peine à trouver un intérêt à cette production européenne sans grande aspérité.

Ce que nous apprenons de Turner et de son époque relève certes d’une autre envergure et d’un autre intérêt que ce que prétend brosser Grace de Monaco. On aimerait aimer le film de Mike Leigh au-delà de l’impeccable savoir faire d’un cinéaste chevronné d’autant qu’il s’attache au destin d’un peintre qui se remit sans cesse en question et sut bousculer son propre académisme.

Jacques Kermabon


15 mai 2014