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Festivals

Cartoon movie 2017 – Jour 1 : Iran, Vietnam, Corée, Licornes et Singes…

par Nicolas Thys

Cette première journée à Cartoon movie aura été celle de retrouvailles multiples et les projets furent, comme on l’espérait, de grande qualité.

Les premières auront été avec un style graphique bien connu, celui de Stéphanie Lansaque et François Leroy dont l’univers, décrit ce matin par leurs producteurs de Je Suis Bien Content (JSBC) comme une 2D et demi, est reconnaissable entre mille. Ceux qui ont vu leur dernier court-métrage, Café froid, ne seront pas dépaysés par le projet de long pitché ici : Super Vinamotor. Une super vinamotor, c’est une moto qu’on trouve beaucoup au Vietnam et qui sert notamment au transport de nourriture. C’est également le véhicule qu’utiliseront Kim, Lan et Tao pour tenter de fuir le pays. Kim est un jeune homme qui a des problèmes liés à la mafia locale et qui a été recueilli par Tao, joueur invétéré avec des problèmes d’argent et grand-père de Lan, fillette d’une dizaine d’années, qu’il devrait vendre comme prostituée pour régler ses dettes. Les trois individus devront cohabiter, voyager ensemble et s’adonner à des combat de coqs dans un film que les réalisateurs décrivent comme un hymne à la liberté et dont les thèmes principaux seront l’évolution, le fait de grandir et de trouver sa voie. Super Vinamotor devrait durer 90 minutes, utiliser des musiques locales comme du rock vietnamien et entremêler plusieurs genres comme le road movie, le film de mafia ou le huis-clos intimiste. Côté technique, on retrouvera leur mélange de 2D et de 3D si particulier par le réalisme frappant des décors, tous retravaillés à partir de photographies locales, et le mouvement à la fois fluide et statique qui ose la violence tout en conservant une certaine douceur. Le public visé est clairement ados/adultes pour un budget d’environ 3,3 millions d’euros. Et ils cherchent encore des distributeurs, coproducteurs et diffuseurs.

Les deuxièmes retrouvailles furent celles d’un projet qu’on avait vu lors de la précédente édition de Cartoon movie à l’état de concept et qui se retrouve cette fois en développement : La Sirène de Sepideh Farsi, produit par Les films d’Ici. Depuis l’année passée les belges de Lunanime sont arrivés dans l’équipe et un teaser de 4 minutes a été réalisé, montrant à la fois la faisabilité et la beauté du film. Il s’agit du premier projet animé de la cinéaste iranienne, déjà célèbre dans le milieu de la prise de vues réelles pour ses longs-métrages de fiction (Red rose, Le Regard) et ses documentaires (Tehran without permission, Hommes de feu). Elle veut ici raconter l’histoire du conflit entre l’Iran et l’Irak au début des années 80 à travers l’histoire de la ville d’Abadan, particulière car située au sud de l’Iran, près de l’Irak et donc plutôt cosmopolite avec un important mélange des cultures. On suivra l’histoire d’un jeune homme qui décide de ne pas fuir la ville alors que la guerre est déclarée mais qui, refusant le conflit comme on voudrait qu’il s’y implique, décide de trouver un bateau et d’aider les habitants restés là à fuir. On aura évidemment droit à une histoire d’amour mais surtout à un regard très singulier autour d’un conflit qu’on connait peu chez nous mais qui a été long de 8 ans et a tué ou fait disparaitre plus de 1,5 million d’individus des deux camps. Le siège d’Abadan aura duré 1 an, de novembre 1980 à octobre 1981, et la ville en est ressortie détruite. D’un point de vue graphique, la réalisatrice travaille avec l’illustrateur libanais Zaven Najjar. On avait déjà pu voir quelques images fixes, très belles et à la stylisation poussée, jouant avec les couleurs, les contrastes entre bleu et rouge autour de tâches et lignes noires et blanches. On s’était demandé comment ils parviendraient à animer cela mais le teaser prouve que c’est tout à fait possible et avec un résultat aussi bon que surprenant. L’épure du travail iconique et graphique permet une certaine souplesse dans l’animation ainsi que dans le travail de mise en scène. Et l’utilisation d’une 3D plate, qui facilite les mouvements, n’oublie pas un certain travail d’agrémentation à la main qui procure un niveau de réalisme dans les détails liés aux paysages naturels iraniens ainsi que dans les tenues ou accessoires des personnages. Le film devrait couter 3 millions d’euros et l’équipe cherche d’abord des diffuseurs, aides régionales et vendeurs internationaux.

Les retrouvailles suivantes durent celles des singes de Jean-François Laguionie. A peine sorti de Louise en hiver, le cinéaste repart sur un autre projet intitulé Le Voyage du Prince avec Blue Spirit production et leurs trois studios. Nous ne savons pas encore comment le travail sera réparti entre les trois lieux mais Angoulême, Montréal et Bruxelles devraient être de la partie. Et le film n’est autre qu’une suite de son Château des singes réalisé en 1999. Alors que le premier film parlait de la peur d’un singe de tomber dans le monde d’en bas, dont la légende dit qu’il est peuplé de monstres et qui est en fait peuplé d’autres singes, les Laankos, le nouveau va revenir sur la découverte d’autrui et la question de l’exil. En effet, cette fois le vieux prince des Laankos passe son temps à observer l’horizon et y voit quelques lumières, ce qui attise sa curiosité et son désir d’aller par-delà les océans, ce que n’approuverait pas son peuple et les paresseux philosophes qui y règnent. Le prince finit par échouer sur une autre île et y trouve une autre civilisation simiesque qui se croyait seule au monde et le prend pour un être primitif que leurs scientifiques devraient étudier. Il fait la rencontre d’un enfant singe, Tom, et ils découvrent qu’ils ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. L’histoire est donc celle de la découverte, de la rencontre et de l’apprentissage. On a pu découvrir quelques tests d’animation qui donnent envie de voir la suite ainsi qu’une petite partie de l’animatique, déjà terminée par ailleurs, avec les voix définitives enregistrées pour l’occasion. Une séquence a retenu notre attention dans laquelle on découvre des individus masqués, une grande fête et la découverte du cinéma que ce peuple a déjà inventé. Ce n’est pas sans rappeler l’étrange carnaval hanté par la mort du Tableau. Les décors seront signés Jean Palenstijn et la musique Christophe Heral. Le film devrait couter 4,2 millions d’euros et le studio cherche encore coproducteurs et différents partenaires.

Puis, nous avons retrouvé le réalisateur qui a marqué l’animation en 2016 avec un long-métrage (Psiconautas, qui sortira en mai en France) et un court-métrage (Decorado) : Alberto Vazquez. Les producteurs d’Autour de Minuit et Schmuby étaient présents pour présenter un nouveau long du réalisateur : Unicorn wars, encore en concept. Tout comme Psiconautas avait eu droit à son court-métrage voilà quelques années, Birdboy, Unicorn wars est fortement inspiré d’un précédent court du cinéaste : Sangre de unicornio. Ses nounours, aussi mignons que stupides et vaniteux, partent cette fois à la chasse à la licorne car une légende dit que celui qui boira le sang de la dernière d’entre elles se transformera en un être nouveau, beau et éternel. Pour cela les ours s’entrainent à devenir de féroces guerriers dans un camp militaire à la Full metal jacket dont la devise est : « Honor, pain, cuddle » et leurs sempiternelles demandes de câlins font plutôt peur. En outre, les licornes ne sont pas ces animaux agréables et bons qu’on voit trainer partout sur internet mais des êtres sombres et ténébreux. Nicolas Schmerkin décrivait le film comme un mélange d’Apocalypse now et de Bambi, ce qui est tout à fait ce qu’on a envie de voir de la part du cinéaste espagnol ! Le long-métrage devrait couter 2,7 millions d’euros répartis à égalité entre la France et l’Espagne. Les producteurs cherchent différents partenaires et si tout se passe bien, les oursons de Vazquez devraient conquérir les écrans début 2020. On a hâte !

Enfin, dernière retrouvailles du jour, avec le documentaire animé et le nouveau projet, encore en concept, de Jung Henin : Mère célibataire en Corée que développe la société bordelaise Marmitafilms. A la suite de Couleur de peau : Miel sur son adoption par une famille belge, Jung est allé présenter le film en Corée, qui a été très bien accueilli. Plus de 200 000 enfants coréens ont été abandonnés et adoptés à travers le monde entre les années 1950 et aujourd’hui. En 2014, suite aux présentations et conférences qu’il a données, le réalisateur a reçu un message d’une femme de Séoul qui voulait le rencontrer, une jeune mère dont le compagnon ne voulait pas de l’enfant et l’a quittée. La mère de cette jeune femme a voulu convaincre sa fille d’abandonner le nouveau-né et c’est après avoir vu et lu Couleur de peau : miel qu’elle a décidé de garder l’enfant. C’est le point de départ de ce nouveau film qui sera composé  60% d’images réelles et à 40% d’images animées (2D ou 3D rendu 2D) et parlera de la condition de ces mères seules aux prises avec une société qui rejette encore ces enfants illégitimes. Le studio est encore à la recherche de tous types de partenaires économiques.


10 mars 2017