Cartoon movie 2017 – Jour 2 : Moyen-Orient, réfugiés et cinéma jeune public…
par Nicolas Thys
A la fin de cette deuxième journée du Cartoon movie 2017, plusieurs projets sortent du lot et pas toujours ceux qu’on attendait à l’image du Princess Dragon d’Anthony Roux et Jean-Jacques Denis que produit Ankama. Le duo était l’auteur de Dofus l’année passée, un film honorable mais assez peu engageant pour ceux qui n’étaient pas déjà fans de l’univers du jeu et des BD. Cette fois ils reviennent avec un film en 2D traditionnel destiné avant tout aux enfants, et donc plus simple et doux que leur précédent long-métrage. Il s’agira d’un conte original sur un dragon qui n’arrive pas à avoir d’enfants. Du coup, un pacte est fait avec une petite sorcière et trois œufs sont pondus. L’un d’eux sera une fille assez poilue qui ronfle, râle et crache du feu comme un dragon mais sans en être un. Pour les auteurs, il s’agira de parler avant tout de la place des enfants dans une famille et notamment par rapport à ses frères et soeurs. Si l’écriture devrait être assez typique des contes traditionnels, l’aspect graphique aura l’air aquarellé et poétique tout en préservant une certaine économie dans le dessin au profit du mouvement, ce qu’on constate après avoir vu les premières ébauches. La mise en scène devrait être assez dépouillée, le film est prévu pour durer 70 minutes et couter 4 millions d’euros. Le studio cherche encore des distributeurs, des diffuseurs voire un coproducteur.
Autre projet qui a l’air admirable et en bonne voie d’être finalisé, The Tower de Mats Grorud, coproduction entre la Norvège (Tenk.tv), la Suède (Cinénic Films) et la France (Les Contes modernes). Il s’agit d’un film sur un sujet plusieurs fois revenus telle une surprenante constante dans les projets adultes tout au long de l’édition : les réfugiés. Le réalisateur, qui a vécu un an au Liban dans un camp de réfugiés palestiniens au début des années 2000, a écrit cette histoire à partir de son expérience et il situe clairement son long-métrage dans un entre deux entre documentaire et fiction. Le projet vise à parler de quatre générations de réfugiés à travers les yeux d’une petite fille de 11 ans : Wardi. Son arrière-grand-père a quitté la Palestine après la guerre et n’a qu’un rêve : retourner dans son village mais, assez malade, il sait que son rêve ne deviendra pas réalité. Toute la famille vit dans une tour qui augmente en taille à mesure que les gens vont y vivre. Wardi grimpera dans la tour et on découvrira sa famille et leur histoire jusqu’à ces gens qui vivent sur les toits et s’occupent de pigeons. On apprendra leur passé, leurs tentatives infructueuses pour revenir en Palestine. Le but sera de montrer l’absurdité des camps, l’espoir, le rêve, la lutte de ses habitants et la richesse de leur culture. Techniquement, le film sera un mélange de stop motion et d’animation 2D traditionnelle. La partie en marionnettes, le présent de Wardi, sera supervisée par Pierre-Luc Granjon pendant que la 2D, le passé des autres protagonistes, sera confiée à Hefang Wei, ce qui ne présage que du meilleur. 90% du budget est déjà sécurisé, le film a un distributeur français (Jour de fête) et les producteurs cherchent un complément avec des télévisions ou des ventes internationales.
Toujours du côté des réfugiés et d’une animation destinée aux ados/adultes, on retiendra l’originalité et la force de l’histoire de Josep, projet d’Aurélien Froment (Aurel) pour Les films d’Ici méditerranée et La Fabrique animation. Le film est tiré d’une histoire vraie, celle de Josep Bartoli (1910-1995), dessinateur de presse espagnol qui a vécu la guerre civile et, comme 500 000 républicains, a fui son pays pour se réfugier en France en février 1939. Il a dû survivre en dessinant dans un camp de concentration aux conditions de vie misérable dirigé par les gendarmes et réservé aux espagnols cherchaient à échapper à Franco et traversaient la frontière. Après avoir réussi à fuir, aidé d’un des gendarmes, il s’est réfugié au Mexique et aux Etats-Unis où il a vécu jusqu’à sa mort. Le film, qui devrait sortir en 2019 pour la commémoration des 80 ans de la fin de la guerre civile espagnole, n’est pas imaginé comme un véritable biopic. Au contraire, il se focalisera sur le point de vue du gendarme sauveteur dont l’histoire n’a même pas retenu le nom. Agé, sur son lit de mort, il raconte l’histoire de ce dessinateur à son petit-fils. Du coup, on oscille une fois encore entre documentaire et fiction. Le scénario est écrit par Jean-Louis Milesi, connu pour avoir écrit la plupart des films de Robert Guédiguian. Il s’est d’abord demandé ce qui avait pu se passer dans la tête de Josep au cours de cette période et comment le dessin a pu l’aider à affronter la difficulté du camp. Le film sera parsemé de flash-back et fera des aller/retour en partie rêvée par le grand-père. Le cinéaste, lui aussi dessinateur pour Le Monde ou le Canard enchainé, réalisera là son premier film. Le budget est de 4,2 millions d’euros et les deux tiers ont déjà été sécurisés. Plusieurs acteurs sont déjà prévus pour les voix et la musique : Sergi Lopez, Bruno Solo, Philippe Nahon ou François Morel et Silvia Perez-Cruz. Les producteurs cherchent encore un coproducteur espagnol, des diffuseurs TV et des distributeurs.
On retiendra également les deux projets du jour proposés par Sacrebleu et signés Michaela Pavlátová et Anca Damian. Dans les deux cas, la production cherche encore distributeurs, télévisions et ventes internationales. La première, directrice de la section animation de la FAMU, réalisatrice de plusieurs courts qui lui ont valu ours d’or, nomination à l’oscar et cristal d’Annecy, et de deux longs en live venait présenter son premier projet long animé, My Sunny Maad. Tiré d’un livre tchèque signé de la journaliste Petra Procházková, il raconte l’histoire d’une femme qui a suivi l’homme qu’elle aime, d’origine afghane, jusqu’à Kaboul pour vivre avec lui. Le film décrira son mode de vie dans un pays à la culture bien différente de la sienne et de la nôtre, sa force intérieure et son adoption d’un orphelin dont personne ne voulait car le couple n’arrivait pas à avoir d’enfants. Elle sera ensuite soumise à des choix important alors qu’elle travaillera dans l’humanitaire. Pavlátová décrit son projet comme un film sur l’amour, l’intimité d’un couple et la famille avec une héroïne forte. Il sera basé sur des événements réels et aura un ancrage politique important. Il devrait durer 80 minutes, couter 3 millions d’euros et il sera fait en animation 2D sur ordinateur.
Le film d’Anca Damian, réalisatrice de Crulic et La Montagne magique, a déjà été présenté l’année passée à l’état de concept. L’histoire était écrite mais l’équipe technique, et notamment le directeur artistique, manquait. Cette fois, Le Fantastique voyage de Marona, revient et a bien avancé. Celui qui s’occupera de l’aspect graphique sera le dessinateur Brecht Evens (auteur de Panther, Les Noceurs) et la musique sera signée Pablo Pico (Adama). Son film est l’histoire de la vie d’un chien et elle le voit comme une leçon d’amour sous la forme d’un conte contemporain destiné à un public familial et large. Le chien sera abandonné à plusieurs reprises et chaque famille marquera une période de sa vie de la naissance à l’âge adulte. L’animal ne cherchera qu’à donner de l’amour à son prochain. Il ira d’abord vivre avec un artiste de cirque puis un ouvrier dont la femme égocentrique la laissera à la fourrière et enfin chez Solange, une petite fille qui va l’accueillir. Le traitement graphique sera des plus originaux, comme souvent chez la cinéaste, mélange de 2D, 3D, photographies modifiés, fond vert, peinture ou dessin. Le budget prévu est de 1,7 millions d’euros et 700 000 sont déjà sécurisés pour un film de 90 minutes.
Enfin, difficile de ne pas mentionner d’un des rares et importants projets d’animation destiné à un public familial : Le Grand méchant renard et autres contes de Benjamin Renner et Patrick Imbert. Ici, pas de pitch mais plutôt la présentation d’une œuvre terminée, qu’on verra certainement à Annecy et qui sortira sur les écrans en France à la fin du mois de juin. Folivari voulait à l’origine en faire une série et l’a finalement transformé en film pour le cinéma. Tiré d’une série de bande-dessinées de Renner, le long-métrage inclut trois histoires, chacune reliée par un lieu : une ferme située dans une campagne plutôt indéterminée, et quelques personnages comme un renard, un loup, un cochon ou un canard tous prix à contre-emploi et qui vivent des péripéties absurdes. Les 15 minutes qu’on a pu voir étaient splendides, très drôles et réalisées avec brio dans un style 2D convaincant, simple et efficace qui rappelle quelque peu Ernest & Célestine. On attend désormais d’en voir l’intégralité.
Le nombre de projets passionnants étant vraiment conséquent, on reviendra demain dans un dernier article conclusif sur quelques autres parmi ceux qu’on a vu qu’on aimerait vraiment voir finalisés. Mais ce qu’on constate c’est le nombre d’histoires autour du moyen-orient, de la question des réfugiés, de la guerre ainsi qu’un joli nombre de portraits féminins, notamment dans les projets adultes !
11 mars 2017