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Festivals

Fantasia 2014 : au sortir du premier week end!

par Céline Gobert

DE GRANDS NOMS À L’AFFICHE

Malgré la chaleur estivale qui s’est emparée de Montréal ce week-end, le public était au rendez-vous à Fantasia. La projection de The Zero Theorem de Terry Gilliam dimanche, affichait d’ailleurs complet. C’était également la seule chance de voir le dernier film du réalisateur de Brazil et de 12 Monkeys sur grand écran au Québec. Dès mardi 22, le film sera disponible en DVD et VOD… Le même jour, et seulement quelques minutes après The Zero Theorem, Fantasia nous gâtait à nouveau avec la projection de White Bird in a Blizzard de Gregg Araki, librement adapté d’un roman de l’excellente Laura Kasischke.

Avant de débuter, The Zero Theorem fut précédé d’une amusante intervention pré enregistrée de Terry Gilliam – s’excusant de ne pas pouvoir être venu à Fantasia, car « littéralement collé dans son fauteuil »- qui n’a pas manqué de faire rire la salle. Fantasia a aussi offert aux fans, la projection en 35 mm sur le grand écran du Théâtre Hall Concordia de la bande-annonce du culte 12 Monkeys de Gilliam, ce qui donnait envie de replonger dans l’univers foisonnant passé du cinéaste. The Zero Theorem, planté dans un futur londonien dystopique et fluo, est du Gilliam tout craché : ambiance exubérante, humanité condamnée, protagonistes déjantés. Qohen Leth (interprété par un Christopher Waltz sans cheveu ni sourcil) tente, dans la pénombre de la chapelle dans laquelle il vit reclus, de résoudre sur son ordinateur le « Zero Theorem », preuve scientifique que l’Existence n’aurait absolument aucun sens. Au-delà d’une savoureuse atmosphère philosophico-geek rythmée et parsemée d’humour (le film est bien moins sombre que Brazil), The Zero Theorem, par instants cartoonesque, amuse parce qu’il s’amuse. Des couleurs flashy pour illustrer l’hyper technologie aux caméos et autres running gags hilarants portés par Tilda Swinton, Matt Damon et Mélanie Thierry, le film fait la critique d’une société de communication pervertie par le trop-plein qu’elle propose. Trop-plein que Gilliam rend plutôt bien à l’écran, à coup de surcharges bariolées, de mouvements de caméra de traviole, de bavardages survoltés, et d’énergie du désespoir. Ce n’est certes pas le meilleur Gilliam de ces dernières années, mais le fun et l’esprit rebelle qui traversent le film, garantissent le divertissement de qualité.

Plus tard, la projection du dernier Araki – précédée de Camchat, une plongée un peu plombante de 11 minutes dans les rencontres virtuelles de la communauté masculine gay – n’a pas déçu. Le mélange Araki/Kasischke est savoureux, bâti sur une base commune d’onirisme et de goût pour des personnages in-progress, rêveurs et en marge. Aucun des styles des deux auteurs, soit le cauchemar dream-pop côté Araki et le pétage de plomb féminin (et souvent intérieur) côté Kasischke, n’est sacrifié. White Bird in a Blizzard suit Kat Connors (Shailene Woodley), une ado pétillante de 17 ans dont la mère (géniale Eva Green) s’évanouit mystérieusement dans la nature du jour au lendemain. Les années (fin 80 – début 90) passent, Kat grandit, et sa mère ne réapparaît jamais. Est-elle morte ? En fuite ? Araki rend le suspense tenace en maintenant la partie thriller en touche, préférant s’accrocher aux accents métaphoriques du film (la disparition de la mère = la fin de l’enfance). On retrouve ici un cocktail aérien/légéreté/humour assorti de soupçons de tendresse et de cruauté qui font la force du cinéma évanescent d’Araki, de Mysterious Skin à Kaboom. A noter : vous avez encore une chance de voir White Bird in a Blizzard, ce mardi 22 à 15H.

La petite déception du week-end est venue de I Origins de Mike Cahill (Another earth) que j’attendais avec une certaine impatience. Cahill fait le contraire de ce que fait Gregg Araki avec White Bird in a Blizzard : continuer à être lui-même, à parler de ses sujets de prédilection, tout en optant pour une esthétique (voir un discours) plus « grand public ». Araki ne sacrifie jamais son style. Cahill, oui. Même s’il garde l’arrière-fond scientifique et une opposition émotion/science qui hantaient déjà son premier long-métrage, il saborde son intrigue en la moulant sur des schémas narratifs prévisibles et des allures mainstream insupportables. Son scientifique (Michael Pitt) est plus hipster que rat de laboratoire, sa romance semble tout droit sortie d’une publicité pour parfum, et ses considérations sur la foi, la réincarnation et l’amour issues d’un mauvais bouquin de spiritualité. Plus rugueux, nerveux, et moins apprété, le virage emprunté par le héros (du scepticisme à la foi) aurait pu être passionnant. Ici, il est gâché par une abondance d’évidences scénaristiques sur-écrites et des tics de mise en scène clippesques et poseurs.

La semaine qui arrive ne manque pas d’oeuvres à découvrir. En vrac : Cold in July, le nouveau film de Jim Mickle (Stake Land et Mulberry Street!), Predestination des frères Spierig (le film de vampires Daybreakers) et Kumiko the treasure hunter des frères Zellner, autour d’une jeune fille lunaire qui prend au mot le film Fargo des frères Coen et décide de partir déterrer les dollars de Buscemi!


21 juillet 2014