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Festivals

Festival de films féministes de Montréal 2021

par Samy Benammar

Il y a dans ces chaises organisées en rangées par les bénévoles, cet écran de cinéma fripé au le fond de la scène, encadré par deux vieux rideaux de théâtre que l’on imagine facilement imbibés d’un peu de bière, la tendresse d’un autre cinéma qui s’immisce en nous avant même que les films ne commencent. Comme les précédentes, cette cinquième édition du Festival de films féministes de Montréal se fait sous le signe de la simplicité et du fait main. J’ai pu assister lors de la première soirée qui se tenait le samedi 11 septembre à la projection Queer qui réunissait trois films, variations autour des corps différents.

Le premier film Récit de soir de Géraldine Charpentier présente une animation relativement classique mais la sincérité du témoignage de Lou qui accompagne les images en racontant la découverte de son identité sexuelle, accordent une profondeur politique et réflexive surprenante au film. On pourrait accuser le film d’entrer dans les codes de cette mode contemporaine du film à voix-off – d’autant plus que l’animation est ici assez illustrative – mais ce serait passer à coté non seulement de la nécessité d’une multiplication de ce type de parole dans les festivals de cinéma mais également de la justesse de la trajectoire de Lou qui soulève des réflexions aussi touchantes que stimulantes. Au milieu de ce court métrage, Lou évoque le visionnement de Tomboy de Céline Sciamma, expliquant l’impact que le film à eu sur elle adolescente, la révélation qu’il a provoquée. En mettant en images cette expérience personnelle d’un film majeur de l’imagerie queer de cette dernière décennie, Récit de soi met en évidence l’importance d’un tel cinéma en le faisant sortir des considérations critiques pour le ramener à sa réalité sensible, celle de la reconnaissance d’identités oubliées, manquant de repère pour se constituer dans le cinéma dominant.

Récit de soir

XY adresse la même période de la jeunesse synonyme de premières confrontations sociales qui poussent à réfléchir son identité de genre : un moment charnière de l’adolescence où se joue une forme de sexualisation et la nécessité d’affirmer celle-ci face aux réalités biologiques qu’impose la puberté.  Bien qu’il ne dispose pas de réelle identité visuelle, favorisant le récit aux dépens de la mise en scène, XY parvient à convaincre grâce au jeu de son actrice Hafrún Arna Johannes- dóttir. Très simple dans son approche, la fiction de Anna Karín Lárusdóttir, a le mérite d’exposer ses enjeux clairement : on y aborde les réseaux en ligne qui se constituent en refuges pour l’adolescente délaissée par un système médical normatif et un manque d’informations dans les médias traditionnels. Très juste dans les interactions entre ses personnages, le film propose un moment de vie dont le propos, s’il paraîtra évident pour un public sensibilisé à la question, n’en reste pas moins pertinent.

À la suite de ces deux court-métrages, c’est la documentaire El viaje de Monalisa de Nicole Costa qui conclut la soirée en comptant l’histoire de Iván Ojeda et la découverte de son intersexualité. Une fois la nuit tombée, l’immigré chilien devient Mona Lisa. Changeant de visage et de pronom, elle traverse alors les rues et les clubs de New-York, y danse, y boit, s’y prostitue surtout. Ce sont, sans doute, les images MiniDv du film qui ont le plus de saveur. Elles nous plongent dans la chambre du travesti qui confesse les déboires de la prostitution, de son processus d’immigration mais aussi les envolées lyriques de son sourire tantôt amer, tantôt éclatant. Dramaturge et comédienne de formation, poëte dans l’âme, Monalisa se donne en spectacle et l’image s’imprègne de cette énergie flamboyante tout en dévoilant les dessous plus difficiles de cette vie sans tomber dans le piège du pathos ou de la dénonciation. Si on reprochera à Nicole Costa, le choix de ses intertitres dont le motion design est assez insupportable, son film n’en est pas moins un portrait à la sincérité et l’humilité exemplaires.

XY

En repensant à ce programme du festival de films féministes, je ne peux m’empêcher de penser qu’aussi maladroit puisse être certaines de ces mises en scènes, le plaisir éprouvé à l’écoute de ces récits toujours trop rares, malgré leur multiplication. Avant la projection, l’une des programmatrices du festival rappelle que l’ensemble des revenus de la séance seront reversés aux artistes, et ce au détriment du salaire des organisatrices, toutes engagées bénévolement dans le festival. Cette pensée altruiste autant associée au respect général qui habite la salle, affirme l’importance de ces petits festivals où germent les paroles autres, les histoires trop souvent effacées.

 

Samedi 18 septembre

Bain Mathieu, 2915 Ontario
18H – Courts documentaires
20H30 – Courtes fictions

Entrée libre avec suggestion de don de 10 à 15$

PROJECTIONS EN LIGNE
Disponible du 12 septembre à 9h jusqu’au 18 septembre 18h.

Image d’introduction: El viaje de Monalisa

 


17 septembre 2021