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Festivals

Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand 2017 (3/4)

par Nicolas Thys

Ce troisième jour au festival du court métrage de Clermont-Ferrand sera animé et francophone avec la présentation de plusieurs films issus de différentes sélections. Leur nombre étant important, nous nous consacrerons essentiellement à deux d’entre eux : Asphalte de Lisa Matuszak, un film de fin d’études à la Poudrière, et le nouveau film du duo Catherine Buffat et Jean-Luc Gréco : Alphonse s’égare. Ces deux films donnent l’impression de la consécration d’une certaine tendance au réalisme défiguré et amusé dans le cinéma d’animation français, ce qu’on trouvait aussi dans Tombés du nid de Loïc Espuche par exemple.

Avec Asphalte, Lisa Matuszak, aussi réalisatrice de Train de vie dans le même état d’esprit mélancolicomique, raconte en quatre minutes un covoiturage vers le nord de la France, qu’elle semble très bien connaitre puisque tous les passagers y vont pour un enterrement (logique), que tout est gris, vide et qu’il pleut (logique bis. – ceux qui ne connaissent pas ce plat-pays qui est le sien ne peuvent pas comprendre). L’ensemble est visuellement simple, avec des couleurs exagérées tout en aplats qui accentuent l’état à la fois drôle et vaguement inquiétant du court métrage tout en jouant sur les clichés liés à la région. Bruno Dumont n’aurait pas fait mieux !

En voyant Alphonse s’égare, on entre dans un autre état d’esprit, mais tout aussi décalé. Réalisé en papiers découpés, avec un mouvement minimal, (presque) tout en noir, blanc et gris et à partir de perspectives déformées et de décors faussement angoissants, le court métrage raconte l’histoire d’Alphonse, un adolescent ringard qui cherche à embrasser une fille évanouie et se retrouve ridiculisé et puni par un de ses camarades de classe. Puis les vacances arrivent et leur lot de fausses rébellions, d’amours ratées et d’événements nuls. Tournant autour de certaines caricatures (le ténébreux aux lunettes noires, la fille que tout le monde aime, le beau gosse fort…), le duo Buffaut-Gréco utilise des contrepoints sonores intéressants (la voix nasillarde d’Alphonse ou la musique électronique entêtante et mystérieuse) pour nous faire entrer avec une dose d’humour noir dans un monde où tout n’est que ruines et incertitudes. On est un peu de l’autre côté d’un miroir expressionniste du monde réel…

Signalons brièvement la présence d’un film étudiant belge plutôt saugrenu : Play Boys de Vincent Lynen. Son court métrage relève de ce genre d’ovni absurde et drôle où il ne se passe pas grand-chose et tout en même temps. L’espace-temps y est indéterminé, sans réelle logique, construit autour d’un univers blanc où seules certaines traces grises surnagent et dans lesquels essayent d’évoluer des individus comme autant de petites taches colorées. Ils tirent sur des ballons, des bouteilles, ils jouent avec des chiens, des voitures et des armes et finalement plus le cinéaste rit de notre incompréhension plus il nous amuse !

Nous avons également pu assister à une partie de la séance enfants qui démarrait plutôt bien avec un joli film, Deux escargots s’en vont de Jean-Pierre Jeunet et Romain Segaud. En apparence anecdotique puisqu’il s’agit une fois encore d’un film tiré d’un poème, comme on en voit beaucoup, il propose pourtant quelque chose d’intéressant en refusant l’habituelle illustration du poème lu en voix-off. Ici, c’est toute une série d’animaux déglingués, inspirés du bestiaire de Jephan de Villiers, qui chacun à leur tour récite à peu près un ver ; d’où une amusante polyphonie qui conduit un récit minimal en parallèle à celui du texte. Et surtout, le film évite les écueils habituels de ce genre d’exercice.

Nous aurions également beaucoup aimé vous parler du film canadien de Robin Joseph, Le renard et la baleine qui avait l’air très beau. Mais dérangé par une maman qui se levait face à nous, obstruant l’écran pour calmer un bébé de moins de deux ans, et par une autre juste derrière qui répondait au téléphone, croyant sans doute que si les enfants ont le droit de réagir, les grands ont le droit de faire n’importe quoi, la projection a été gâchée et nous avons préféré fuir. D’où une demande peut-être surprenante mais, gentils organisateurs, lors de séances pour enfants, que ceux-ci rient, demandent des explications, pleurent, aient peur, c’est normal. Mais serait-il possible de rappeler aux parents de ne pas sortir pour autant leurs joujoux électroniques et de les prévenir qu’il est rare qu’un bébé reste calme pendant 1 h 30 ?

Pour notre dernier jour de présence au festival, demain, nous nous attarderons aux films d’animation internationaux !


10 février 2017