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Festivals

Festival International d’Animation d’Ottawa 2011

par Marcel Jean

OTTAWA UNDERGROUND  

Le festival d’Ottawa (communément appelé OIAF, pour Ottawa International Animation Festival) est le plus important événement du genre en Amérique du Nord. Son directeur artistique depuis une quinzaine d’années, Chris Robinson, a donné à la manifestation une couleur singulière: humour caustique dans la présentation des programmes, prédilection pour les films sombres, goût pour la marginalité et défense des indépendants… Si on ajoute à cela que, depuis quelques années, le principal lieu de projection du festival est le cinéma Bytowne, une salle aux décors décatis dont l’écran, qui arbore des coutures bien visibles, est encadré par de gros bacs à déchets, on a une bonne idée de l’ambiance qui y règne. Logiquement, le public, majoritairement composé d’étudiants en animation débarqués d’un peu partout en Amérique, adore cette atmosphère sans cérémonie et le ton potache qui domine.

Ces jeunes spectateurs se donnent d’ailleurs rendez-vous en grand nombre aux rencontres matinales intitulées Meet the Filmmakers qu’organise l’ONF. Là, tout en profitant du petit déjeuner gratuit, les spectateurs peuvent poser des questions aux réalisateurs des films projetés en compétition la veille. Une compétition divisée en une multitude de catégories, qui vont des films publicitaires aux films non-narratifs, en passant par trois catégories de films étudiants, des vidéoclips et des courts métrages narratifs. Catégories qui, d’ailleurs, semblent parfois bien arbitraires: la distinction entre les films non-narratifs et les films narratifs est parfois discutable, comme le démontre la classification dans la catégorie non-narrative de Body Memory, de l’Estonien Ülo Pikkov, l’une des oeuvres les plus fortes du festival, alors que le film est figuratif et qu’on y perçoit clairement les réminiscences des trains menant aux camps de la mort.

Le jury des courts métrages, composé des cinéastes Jan Pinkava (Ratatouille), Aaron Augenblick (Golden Age) et Mati Kütt (Sky Song) a couronné Moxie, du Britannique Stephen Irwin (déjà auteur de l’excellent Black Dog’s Progress en 2009), une histoire d’ours pyromane mise en image avec beaucoup de style par l’une des valeurs montantes de l’animation mondiale. Le Québécois Frédéric Tremblay a quant à lui reçu le prix du meilleur court métrage narratif, une récompense bien méritée pour Blanche Fraise, un film totalement maîtrisé, sorte de conte sombre et dénué de sentimentalisme dans lequel un couple de lapins, sous l’oeil d’une caméra impassible, tente de survivre dans un milieu hostile. C’est l’excellent film conceptuel Une seconde par jour, du Français Richard Nègre, qui a reçu le prix du meilleur court métrage non-narratif. Un bon choix là aussi, quoiqu’on regrette que Body Memory d’Ülo Pikkov ait dû se contenter d’une mention: le Grand prix eut été plus approprié pour ce film puissant, le plus accompli de son auteur, qui aborde l’Histoire avec un souffle poétique rare et un sens exacerbé de la représentation du corps.

Parmi les films dont on peut regretter l’absence au palmarès, signalons Romance du Suisse Georges Schwizgebel, une oeuvre magistrale dans laquelle le maître de la peinture animée parvient à renouveler son style graphique en racontant avec beaucoup d’humour et de finesse les aventures oniriques d’un des passagers d’un avion. Déjà en compétition à Annecy, le désopilant Chroniques de la poisse d’Osman Cerfon est encore une fois reparti bredouille.

C’est The Renter, de l’Américain Jason Carpenter qui s’est vu attribuer le prix du meilleur film étudiant, choix incontestable tant ce film dont l’atmosphère rappelle l’univers d’Igor Kovalyov est en tout point une réussite.

Du côté des longs métrages, le jury composé d’Anne Brotot (la directrice de Supinfocom), de Biljana Labovic (longtemps productrice de Bill Plympton) et de Claude Cloutier (Isabelle au bois dormant) a choisi de couronner le dernier long métrage de Phil Mulloy, Dead but not Buried. Malgré tout le respect qu’on peut avoir pour Mulloy et toute l’admiration qu’on peut avoir pour son oeuvre, on s’étonne que le jury ait jugé bon de primer un film qui ressert un dispositif déjà usé jusqu’à la corde dans les deux précédents longs métrages du cinéaste, The Christies (2006) et Goodbye Mr Christie (2010). Cela d’autant plus que Goodbye Mr Christie a déjà été primé à Ottawa l’an dernier. Entre Colorful du Japonais Keiichi Hara, Chico & Rita de Fernando Trueba et Javier Mariscal et Sky Song de Mati Kütt, on aurait préféré voir souligner la profonde originalité de ce dernier film, dont nous aurons l’occasion de reparler lors de sa présentation à Montréal.

 


23 juin 2013