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Festivals

FNC 2017 – Blogue 9

par Elijah Baron

Voilà qu’il est déjà temps de dire au revoir à cette nouvelle édition du FNC, comme toujours riche en découvertes. Pas toutes, hélas, n’auront d’avenir dans nos salles de cinéma, mais citons quelques recommandations de titres qui pourront être vus dans les semaines qui viennent.

Commençons par Call Me By Your Name, une petite merveille du cinéaste Luca Guadagnino, qui accompagne, une deuxième fois depuis A Bigger Splash, des vacanciers américains en Italie. C’est une façon de porter un regard extérieur sur son pays, ses paysages et ses moeurs, mais aussi de créer un mélange de saveurs en plaçant les cultures et les langues parlées dans un contexte inhabituel. Les personnages s’immergent dans le cours imperturbable de la vie sur cette terre antique, source de la civilisation européenne, jusqu’à s’y fondre et en devenir, eux aussi, une extension.

Bien que située en 1983, l’histoire des amours d’été d’un adolescent qui cherche à se comprendre semble exister en dehors de tout cadre temporel. Cet effet est sans doute lié au style littéraire presque anachronique du scénario de James Ivory, adapté du roman d’André Aciman, dont les références artistiques tiennent assez peu de l’époque du récit. Cela s’accorde toutefois avec l’érudition des personnages, interprétés par Timothée Chalamet et Armie Hammer, qui forment un couple improbable mais convaincant. Le cinéaste les observe avec la plus grande empathie dans des moments de bonheur passagers qui resteront, il n’en peut être autrement, sans suite. Quoi que… inspiré par Truffaut et Linklater, Guadagnino ne cache pas qu’il aimerait retrouver ces personnages d’ici quelques années. On le lui souhaite de tout coeur.

Todd Haynes est lui aussi connu pour une histoire d’amour non-conventionnelle : Carol. Son nouveau film se démarque cependant assez fortement du reste de sa filmographie, car Wonderstruck n’est autre qu’un cousin éloigné d’Hugo de Martin Scorsese, également adapté d’une oeuvre de l’écrivain pour enfants Brian Selznick. Si les procédés narratifs sont similaires, le sujet et le style le sont moins. Au coeur, il y a cette même odyssée d’un jeune garçon qui enquête, à l’aide d’infimes et mystérieux indices, sur ses origines, venant au passage au contact de l’Histoire et de ceux qu’elle a voués à l’oubli.

Le récit principal, situé dans les années 1970, est secondé d’un autre : nous suivons en parallèle une jeune fille qui fuit son domicile familial pour s’aventurer en ville, en 1927. C’est l’occasion de tracer le double portrait d’une même ville, New York, et de ses visages changeants, notamment au cinéma. La métropole, vue à deux époques différentes, est présentée dans le deuxième cas à la manière d’un film muet, pour des raisons qui finissent par dépasser le pur hommage. Il faut dire que les deux récits, dont le deuxième accroche nettement plus, se bousculent fréquemment, malgré quelques beaux passages où ils se fondent pour n’en former qu’un, du moins sur le plan des émotions. Wonderstruck est donc un film adroit, mais imparfait, auquel on pardonne volontiers ses maladresses, tant que joue la musique exquise de Carter Burwell.

Enfin, il y a Lucky, premier film réalisé par l’acteur John Carroll Lynch. Le titre est on ne peut plus mérité : c’est véritablement une chance de pouvoir passer, une dernière fois, de précieux moments avec le regretté Harry Dean Stanton. D’autant plus que celui-ci occupe dans le film une place centrale : non seulement a-t-il le rôle principal, mais le scénario semble délibérément construit en tant qu’hommage et adieu au légendaire comédien. Les auteurs connaissent manifestement son quotidien, sa philosophie de vie, ses grands rôles, et en nourrissent une trame autrement bien modeste, quoi qu’agréablement tragicomique. Sourire à la mort n’est pas donné à tout le monde… lorsque Stanton le fait, dans une scène qui transcende le cinéma, l’acteur et le personnage ne font qu’un. Comme toujours, après tout, dans une illustre carrière qui se conclut ici sous nos yeux, en toute beauté.

 

Call Me By Your Name sort en salles le 15 décembre 2017.

Wonderstruck sort en salles le 3 novembre 2017.

Lucky sort en salles le 27 octobre 2017.


17 octobre 2017