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Festivals

FNC 2018 – blogue n°2

par Charlotte Selb

Cette 47eédition du FNC est l’occasion de découvrir les dernières œuvres d’auteurs britanniques aux démarches très distinctes et reconnaissables. Commençons par Temps Ø et le très attendu quatrième long métrage de Peter Strickland (Berberian Sound StudioThe Duke of Burgundy), cette histoire de robe tueuse nommée In Fabricet précédemment présentée dans la section Midnight Madness du TIFF. On y retrouve l’univers surnaturel et délicieusement rétro-chic du cinéaste, mais l’onirisme se mêle ici à plus d’humour encore que dans ses précédents films. Avec une structure en deux parties distinctes à la Lost Highway, qui ne semblent séparées que par un mauvais rêve, In Fabricmet principalement de l’avant des personnages féminins (comme dans sa romance précédente, The Duke of Burgundy) : une femme divorcée qui tente de rencontrer un autre homme, et l’épouse d’un réparateur de machines à laver, dont les existences sont troublées et mises en danger par une mystérieuse robe maléfique. À l’origine de la malédiction et au centre des fantasmagories extravagantes du film, l’actrice fétiche du réalisateur, Fatma Mohamed, incarne avec un brio hilarant une élégante et terrifiante vendeuse de grand magasin, dont chaque ligne de dialogue est savamment et absurdement fleurie – rires à répétition garantis! Strickland enrichit le tout d’expérimentations visuelles semi-camp, semi-avant-gardistes, qui s’amusent tout à la fois à fétichiser et déconstruire l’esthétique des catalogues de vêtements des années 1960-70. Le pastiche n’est heureusement pas une simple source de comique ou de nostalgie, mais donne lieu à une réflexion en filigrane sur les standards de beauté imposés aux corps des femmes et le mal inhérent à la surconsommation.

Plus mineure est la nouvelle réalisation de Ben Wheatley, l’autre petit génie du cinéma de genre britannique produit au sein de la même compagnie que Strickland, Rook Films, et qui a d’ailleurs agi à titre de producteur exécutif sur In Fabric (profitez-en donc pour retrouver chez Wheatley l’épouse du réparateur de machines à laver). Présenté dans Les Incontournables, Happy New Year, Colin Burstead est passé relativement inaperçu dans la saison automnale des festivals, avec seulement une première au BFI London Film Festival, en attendant une diffusion sur la BBC en décembre. Un film sans doute plus pertinent auprès du public britannique qu’international, vers lequel il tend un miroir avec cette allégorie de la situation politique et sociale actuelle en Grande-Bretagne, le (télé)film de Wheatley suit pendant quelques heures une famille anglaise lors de leurs retrouvailles le soir du Nouvel An. Construisant une tension qui n’éclate jamais vraiment, l’auteur ne perd rien de son mordant quand il filme les relations des nombreux personnages sur le bord de l’implosion, mais ses acteurs certes talentueux semblent peiner dans leur travail d’improvisation à donner beaucoup de chair à des figures trop rapidement esquissées (l’absence au scénario de la collaboratrice régulière de Wheatley, sa femme Amy Jump, y serait-elle pour quelque chose?) Avec la perspective d’une série télé actuellement écrite par Wheatley pour la BBC à partir des mêmes personnages, on peut néanmoins se réjouir de voir un jour les différentes intrigues mises en place se développer, car Happy New Year, Colin Burstead a certainement le potentiel d’un excellent pilote.

Enfin, la satire sociale se fait bien plus acerbe avec Ray & Liz, le premier long métrage du réputé photographe anglais Richard Billingham, présenté dans Les nouveaux alchimistes après ses projections à Locarno et TIFF. Connu pour ses portraits de membres de sa famille pauvre à Birmingham pendant l’époque Thatcher, Billingham signe ici une fiction inspirée de ses souvenirs de jeunesse, où l’on retrouve les figures de son père alcoolique, de sa mère obèse et de son plus jeune frère Jason, filmées dans une magnifique photo en 16mm (signée par Daniel Landin, directeur photo de Under the Skin). Le réalisme sordide donnera certainement lieu à des débats sur l’éthique de la représentation (comme le firent à l’époque les portraits photo), car en particulier la première partie du film est pour le moins dérangeante et source de malaise. Mais Billingham remplace peu à peu l’humour noir par un regard chargé de tendresse, d’humanisme et de tristesse envers cette famille écrasée par la misère et laissée sur la touche de la société britannique « acceptable » par un système cruel et sans pitié. Un film, donc, qui mérite qu’on en parle.

 

In Fabric sera à nouveau présenté le samedi 13 octobre, 21h, au Cinéma du Parc.

 

Happy New Year, Colin Burstead sera présenté le vendredi 12 octobre, 19h15, au Cinéma du Parc, et le samedi 13 octobre, 13h15, au Cinéma du Parc.

 

Ray and Liz sera à nouveau présenté le samedi 13 octobre, 19h, au Cineplex Odeon Quartier Latin.


9 octobre 2018