FNC 2021 – Blogue n°4
par Olivier Du Ruisseau
Parallel Mothers de Pedro Almodóvar
Avec l’augmentation du nombre de films en salles par rapport à l’an dernier, les films surprises sont finalement de retour. Deuxième surprise après Un héros d’Asghar Farhadi, Parallel Mothers de Pedro Almodóvar a presque complètement rempli le cinéma Impérial lundi matin, pour son unique projection, en première canadienne, après avoir ouvert la Mostra de Venise et clôt le Festival du film de New York.
Bon coup du FNC, parce que même s’il reprend avec une évidence presque comique tous les codes associés au réalisateur espagnol, Parallel Mothers s’impose comme l’un de ses meilleurs films depuis des années. Dans ce drame familial aux rebondissements tordus, Almodóvar s’éloigne du jeu burlesque de Femmes au bord de la crise de nerfs (1988) ou encore du ton très sérieux de Douleur et Gloire (2019). Il créé plutôt un univers tout en douceur, où la rencontre fortuite entre deux mères enceintes à l’hôpital (Penélope Cruz et Milena Smit) et la relation improbable qui en découle métaphorise habilement l’héritage de l’ère franquiste.
Days de Tsai Ming-liang
Un autre film qui reprend des motifs chers à son réalisateur est Days, le dernier long métrage de Tsai Ming-liang, présenté dimanche dernier à l’Impérial, mais qui demeure également disponible en ligne jusqu’au 31 octobre. Le réalisateur taiwanais y signe encore une fois une œuvre contemplative et minimaliste, une douce balade envoûtante autour de Taipei en 46 longs plans séquences.
Au tout début, on nous indique que le film est « intentionnellement non sous-titré ». De toute façon, il y aurait peu de choses à traduire, puisqu’on n’entend presque jamais les personnages parler. Et des personnages, il y en a seulement deux : deux hommes qui semblent tomber amoureux. Leur amour, qu’on nous présente en l’espace d’une journée, s’exprime en non-dits et parait impossible. Il se développe autour d’une transaction a priori anonyme alors que l’un, malade, se fait masser par l’autre. C’est Lee Kang-sheng, fidèle collaborateur du cinéaste depuis le début de sa carrière, qui interprète le client blessé. Il éprouve des douleurs au cou qui rappellent son rôle dans La Rivière (1997).
La lenteur exacerbée de chaque scène révèle toute la complexité des personnages et de leur relation. Leurs longs regards, mélancoliques et beaux, parlent mieux que des dialogues ne sauraient le faire. Cependant, malgré la grande poésie de certaines scènes, portées entre autres par une maîtrise indéniable de l’éclairage, Days se perd aussi un peu, entre un portrait de la monotonie du quotidien de ses personnages et certains plans qui peinent à se justifier comme faisant partie d’un ensemble aussi cohérent que peuvent l’être d’autres films du réalisateur.
Bad Luck Banging or Loony Porn de Radu Jude
Coup de cœur, contre toute attente, de cette première fin de semaine de projections en salles, Bad Luck Banging or Loony Porn du réalisateur roumain Radu Jude n’était présenté qu’une seule fois au Cinéma du Parc vendredi, mais doit sortir en novembre. Cette comédie absurde a l’habitude de causer la surprise depuis qu’elle a remporté l’Ours d’or l’hiver dernier. Il faut reconnaître qu’il est impossible de ne pas tomber sous le charme de son humour grinçant marqué par l’autodérision et l’ironie.
Le titre du film rend tragiquement bien l’histoire de sa protagoniste : une enseignante dans une école secondaire privée qui doit subir un procès intenté par les parents de ses élèves et la direction, alors qu’une vidéo d’elle prise lors d’une relation intime avec son mari se propage en ligne. Radu Jude, qui a l’habitude des critiques politiques et sociales, y expose brillamment, malgré quelques redondances, les contrastes d’une Roumanie qui semble machiste et polarisée, en pleine pandémie. Avec sa structure déconstruite et ses dénouements burlesques, Bad Luck ne cesse de surprendre. Il faut le voir, ne serait-ce que pour apprendre à rire de l’absurdité qui caractérise notre époque et de notre rapport changeant à l’histoire.
13 octobre 2021