FNC 2022 : constat préliminaire
par Bruno Dequen
Après Fantasia, c’est au tour du Festival du nouveau cinéma (FNC) de célébrer ce soir le retour à une édition intégralement en salles avec la première québécoise de Falcon Lake de Charlotte Le Bon au Cinéma Impérial. S’il n’est jamais évident de trouver le film approprié pour ouvrir un festival (trop lent, trop niché, pas assez grand public, trop grand public, pas assez glamour, trop commercial… la critique des films d’ouverture a toujours été un sport national), le premier long métrage franco-québécois de Le Bon est un choix judicieux pour une ouverture. Reconnu à l’international grâce à une réception chaleureuse à la Quinzaine des réalisateurs, porté par une jeune cinéaste déjà vedette, mettant en scène une actrice qui monte (Sara Montpetit), ce récit d’apprentissage qui flirte habilement avec l’ambiance du cinéma d’épouvante coche toutes les cases nécessaires d’une ouverture rassembleuse.
À partir de demain, rendez-vous sur notre balado pour notre couverture des nombreux films attendus de cette 51e édition. En attendant, prenons le temps de jouer au gérant d’estrade (autre sport national très prisé) à travers quelques observations générales sous forme d’état des lieux du FNC, suivies de quelques suggestions de films à ne pas manquer.
Lors du dévoilement de la programmation, Nicolas Girard Deltruc, le directeur général du FNC, a déclaré que le festival était « le plus grand festival de cinéma généraliste au Québec », et que cette nouvelle édition marquait moins un retour à la normale qu’un retour à « une nouvelle réalité » face à laquelle le festival ne cesse de s’adapter et d’innover afin d’affirmer son statut d’évènement majeur et rassembleur. Depuis des années, suite à la lente agonie du Festival des films du monde, Girard Deltruc n’a de cesse de réaffirmer ce statut de leader innovant du FNC. Or, qu’en est-il réellement au regard de l’édition proposée cette année ? Pour simplifier le constat préliminaire, reprenons les termes prisés par le festival.
Depuis près de vingt ans, le FNC est effectivement le « plus grand festival généraliste au Québec ». Cette année encore, il affirme ce statut en grande partie par sa section « Incontournables » qui, à quelques exceptions près, réunit plusieurs films attendus de Cannes et Berlin. Mis à part le fait que la sélection ait décidé d’ignorer presque intégralement la programmation de Locarno et peine à programmer un nombre appréciable de films des festivals majeurs de fin d’été (Venise et Toronto), ce qui affaiblit un peu ce slogan de « meilleur du cinéma actuel », la mission de l’équipe de programmation a été majoritairement accomplie pour la sélection des œuvres attendues. Cette année encore, les cinéphiles pourront visionner de façon boulimique une compilation alléchante de grands noms du cinéma d’art et d’essai, de Jerzy Skolimowski à Park Chan-wook, en passant par Sarah Polley et Albert Serra.
Cela permettra-t-il pour autant au FNC d’être le grand évènement rassembleur et générateur de rencontres qu’il affirme être ? Si on remarque un effort notable du festival du point de vue de son volet professionnel à travers notamment la mise en place pour la deuxième année d’un « nouveau marché de co-production » qui lui permet de s’impliquer à l’échelle internationale dans le développement de futurs longs métrages, on ne peut que regretter que le festival ne puisse – ou ne veuille – inviter davantage de cinéastes internationaux à présenter leurs films au public d’ici. Encore une fois, si on met de côté les invitations « faciles » (Québec, Canada et un peu de France), très peu de films étrangers seront accompagnés. Or, à une époque où il y a déjà trop de films accessibles sur la multitude de plateformes en ligne, la possibilité d’échanger avec les cinéastes et de développer des liens « humains » entre les artistes, le festival et son public est un élément encore trop négligé par le FNC (section Temps Zéro mise à part, puisqu’elle comporte souvent un nombre appréciable d’invités). Certes, il ne s’agit pas d’inviter tous les cinéastes, empreinte carbone oblige, mais il y a certainement une marge de progrès possible.
Du point de vue des décisions de programmation du FNC, mis à part l’évolution de la compétition nationale vers une sélection davantage canadienne que québécoise (3 des 9 films sont québécois), impossible d’affirmer la pertinence des choix sans avoir vu les films, mais… quelques commentaires généraux d’estrade quand même ! Aux prises avec un statut de « grand » festival plus complexe à gérer que celui, plus niché, de défricheur qui était son mandat d’origine, le FNC doit composer avec une mission peu évidente en forme de grand écart : rester fidèle à ses origines exploratoires, tout en soutenant un cinéma plus grand public ; faire la place à la relève tout en continuant de suivre les artistes fidèles depuis des décennies, sans compter le fait que la sélection demeure fondamentalement un travail de coups de cœur et de compromis dépendante de l’accord ou du refus des ayants-droits. Bref, la tâche n’est pas évidente et il faut toujours s’adapter, autre mot-clé du festival. Or, la structure de la programmation et la nature des sections n’a pas évolué depuis de nombreuses années. En temps normal, on n’y prêterait pas attention, mais plusieurs incongruités incitent à repenser la formule pour l’avenir. Un exemple parmi d’autres : comment Rithy Panh finit-il par se retrouver au sein de la « horde sauvage » de Temps Zéro au lieu des Incontournables (section qui inclut quand même 4 œuvres des deux mêmes cinéastes (Ulrich Seidl et Kirill Serebrennikov) sur 15 films ? Toute décision peut se justifier bien évidemment, mais les textes toujours plus réduits et génériques accompagnant les sections et les films permettent difficilement de comprendre la logique de la programmation au-delà du très subjectif « meilleur du cinéma actuel ». Un slogan qui pourrait justement provenir d’une des nombreuses plateformes tout aussi capables de faire un travail de sélection des films.
Bien entendu, tout cela ne nous empêchera certainement pas de profiter pendant dix jours de nombreux films attendus sur grand écran que l’équipe du FNC a pu récupérer !
Petite liste totalement personnelle de 5 films déjà vus à ne pas manquer cette année (les détails sur le balado!) :
Cette maison : le premier long métrage de Miryam Charles enfin présenté au Québec. Entre fiction et documentaire, poésie et politique.
Mutzenbacher : documentaire sous forme de faux casting d’hommes qui doivent lire un ouvrage pornographique du début du siècle. Aussi troublant que drôle et malaisant.
Promenades nocturnes : le deuxième long de Ryan McKenna. Film modeste à la mise en scène d’une remarquable inventivité autour d’une femme (Marie Brassard) qui perd progressivement son rapport au réel.
Coma : le plus inventif des « films covid » par Bertrand Bonello.
De humani corporis fabrica : le nouveau documentaire expérimental du duo de Leviathan. La chirurgie/médecine comme vous ne l’avez jamais vue.
Pour toute la programmation du FNC et l’horaire, cliquez ici.
Bon festival !
5 octobre 2022