Je m'abonne
Festivals

FNC 2015 : suggestions du 10 au 12 octobre

par François Jardon-Gomez

Regarder la programmation du FNC, c’est à chaque année souffrir d’un vertige certain. Tant de films à voir, de filmographies à suivre ou à découvrir, de possibilités de renouer avec des cinéastes qu’on n’attendait plus (Tsai Ming-liang et Hou Hsiao-Hsien, quand même!), de profiter à l’avance des films programmés dans les festivals internationaux de la dernière année ou encore de voir des films dont la distribution en salles est tout sauf assurée… Quelques suggestions pour meubler la fin de semaine de l’Action de grâce : un film vu et plusieurs attendus!

Le film qui m’a fait plaisir
  Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin. On retrouve avec bonheur Desplechin qui livre un charmant film où les souvenirs émergent façon madeleine de Proust, à la différence que le gâteau est ici remplacé par un passeport perdu. On se laisse doucement emporter par ce film lyrique et truffaldien jusqu’au bout des ongles – musique de Tirez sur le pianiste en prime – qui raconte l’histoire d’amour fulgurante de Paul Dédalus et Esther, déjà entrevus dans Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle). Formant avec ce dernier (et, par la bande, Un conte de Noël) une « saga Doinel » prise à l’envers, le film est divisé en trois parties inégales, chacune empruntant à un genre cinématographique différent, du film d’horreur au film d’amour épistolaire en passant par le thriller à la Vertigo. Le tout est porté par les interprétations séduisantes de Quentin Dolmaire et Lou Roy-Lecolinet (en jeunes Dédalus et Esther) auxquelles répond la fureur émotionnelle de Mathieu Almaric.

Le cinéaste qu’il est grand temps de découvrir
Philippe Grandrieux : enfant chéri du FNC – il donnait une classe de maître en 2012 alors que le festival lui consacrait une rétrospective –, son œuvre est qualifiée d’inclassable, toujours empreinte d’expérimentations visuelles, sonores et narratives. La preuve avec les projections de Malgré la nuit, en présentation spéciale, et de Meurtrière – ce dernier dans la section FNC Lab –, deux chances en or d’enfin rencontrer l’œuvre sensorielle de Grandrieux autrement que par extraits glanés ici et là.

Le film à voir pour se rattraper après Fantasia
The Whispering Star de Sion Sono. Si vous regrettez encore de ne pas avoir eu de billets à temps pour Tag et Love & Peace, récemment présentés à Fantasia, réjouissez-vous, car il est temps de voir le plus récent film du prolifique cinéaste japonais – son cinquième film de l’année 2015! The Whispering Star met en scène une femme robot employée d’une compagnie postale qui livre des colis dans tous les coins de la galaxie. Tourné en partie dans les zones évacuées de Fukushima (sujet déjà exploré par le cinéaste avec Land of Hope), le film s’annonce comme une fable existentielle de science-fiction qui réfléchit le présent à l’aune du futur. Et comme il a été présenté dans une exposition multidisciplinaire à Tokyo, The Whispering Star devrait être tout sauf banal!

La curiosité dont on n’est pas certain de la valeur
Wilde Salomé + Salomé d’Al Pacino, deux films dont la distribution est demeurée confidentielle depuis leur réalisation. Le premier – un docufiction sur une adaptation de la pièce Salomé d’Oscar Wilde – date de 2011, le second – la fiction dépouillée de sa partie documentaire –, de 2013. Il devient de plus en plus difficile d’être excité par un nouveau projet d’Al Pacino, vu les ratages des dernières années. Mais sur papier, et parce que Pacino reste Pacino, on ne peut s’empêcher d’être curieux. On se prend alors à espérer que Pacino retrouve la touche dont il avait fait preuve avec son Looking for Richard, porté par un amour profond du théâtre. Et, pourquoi pas, que le film donne lieu à une rencontre au sommet entre un monstre sacré du cinéma américain et une des actrices les plus en vues de sa génération, Jessica Chastain.

Le documentaire le plus intrigant de la programmation
Dennis Rodman’s Big Bang in Pyongyang. Fait connu : en 2014, Dennis Rodman se rend en Corée du Nord pour entraîner une équipe de basketball qui jouera contre des stars américaines. Le tout est outrageusement publicisé et donne notamment lieu à une entrevue délirante de l’ex-sportif avec CNN. Cependant, sans que personne ne puisse voir des images du match, l’affaire est vite classée dans les médias américains : Rodman est un autre idiot utile à la solde d’un régime corrompu, à la Depardieu et Poutine. Fait inconnu : Colin Offland, cinéaste anglais, a accompagné Rodman durant son périple, donnant à voir les dessous du voyage et des préparatifs, mais aussi un accès inouï à un être qui, comme le veut le cliché, est plus grand que nature. Et voilà qu’on imagine toutes les possibilités d’un film qui, à l’image de son sujet principal, a la chance d’être terriblement original.

Le cinéaste qu’on a le plus hâte de retrouver
Ben Wheatley, qui avait épaté en 2013 avec A Field in England, livre ici son plus récent opus, High-Rise. Porté par une distribution alléchante – Tom Hiddlestone, Jeremy Irons, Elisabeth Moss, Sienna Miller et Luke Evans –, le film reste encore mystérieux, même après sa présentation au TIFF en septembre. On n’en sait pas grand chose (aucune bande-annonce n’est disponible), sinon qu’il s’agit d’une adaptation du classique de J. G. Ballard qui explore la vie dans une tour d’habitation coupée du reste du monde. Avec le style baroque et corrosif de Ben Wheatley, qui touche avec autant d’aisance à l’horreur, la comédie noire qu’au thriller psychologique, tous les espoirs sont permis.

L’installation multimédiale à ne pas manquer
En attendant de découvrir le nouveau film de Guy Maddin, The Forbidden Room coréalisé par Evan Johnson, on profite de Spiritismes. L’installation vidéo, pour laquelle des séquences de tournage ont été réalisées devant public au Centre Phi et au Centre Pompidou, s’inscrit dans un projet hybride et interactif qui réunit le long-métrage de Maddin et Johnson ainsi qu’une plateforme web. Spiritismes explore l’histoire du cinéma en invoquant l’esprit de films perdus et « recréés » en l’espace d’une journée.

L’activité ludique de la fin de semaine
Emboîtant le pas des innombrables soirées quiz qui déferlent sur les bars de Montréal depuis quelques années, le FNC tient, dimanche soir, son tout premier Quiz cinéma. En équipe de quatre, sortez vos connaissances cinématographiques les plus diverses et préparez-vous à vous casser la tête sur des questions qui, fort probablement, ne seront pas piquées des vers. Le tout, j’imagine, dans une ambiance de compétition féroce mais conviviale à l’Agora du Cœur des sciences de l’UQÀM.

 


10 octobre 2015