RIDM 2022 – À surveiller
par Laurence Olivier
Les rencontres internationales du documentaire de Montréal tiendront leur 25e édition du 17 au 27 novembre 2022, avec une toute nouvelle et très colorée identité visuelle pour célébrer ce quart de siècle. Cette courte liste bien personnelle présente quelques titres qui semblent dignes d’intérêt soit par leur synopsis, soit par ma connaissance des œuvres antérieures des cinéastes, lesquelles ont été, dans plusieurs cas, présentées dans des éditions antérieures des RIDM.
Pour commencer avec les œuvres québécoises et canadiennes, notons d’abord la présence particulièrement attendue de Geographies of Solitude de Jacquelyn Mills, dont le moyen métrage In the Waves avait remporté le Prix du meilleur moyen métrage national en 2017. Arrivant auréolé d’un bouquet de lauriers récoltés dans sa tournée des festivals, cette méditation à la fois sur la forme filmique et sur l’écologie nous invite à visiter l’infiniment petit et l’infiniment grand de l’Île de Sable.
Zaynê Akyol, qui avait présenté en 2016 Gulîstan, terre de roses (Prix du meilleur espoir) revient avec ROJEK, qui livre des témoignages de membres de l’État islamique condamné·e·s pour des activités terroristes au Kurdistan syrien. L’accès sensible et intime aux protagonistes de Gulîstan, terre de roses laisse présager ici un traitement « de l’intérieur », à la proximité fascinante et troublante, qui fera émerger des paroles qu’on n’entend peu.
Avec 7 paysages, Robert Morin promet une immersion sonore minimale (conception sonore de Catherine Van Der Donckt) qui traitera d’un lieu, de sa faune, de sa flore, et de la présence humaine, dans une construction qui, si on se fie au parcours du cinéaste, saura déjouer les attentes du public.
Jouvencelles, premier long métrage de Fanie Pelletier (Photo jaunie, Coup de cœur du jury de la Soirée de la relève en 2016) traite de l’adolescence contemporaine en suivant trois groupes de jeunes dans leurs univers intimes et virtuels.
Du côté des courts et moyens métrages nationaux, sont à ne pas manquer Le chant de la nuit de Félix Lamarche, qui nous avait donné les très beaux films Les terres lointaines (2017) et Terres fantômes (2019), et aborde avec ce plus récent film la question de l’aide médicale à mourir. Simon Plouffe, dont le précédent long métrage Ceux qui viendront, l’entendront plaçait la transmission des langues autochtones en son centre, présente cette année Forêts, une œuvre combinant images hypnotiques de forêts submergées, travail sonore enveloppant et histoire orale innue. Notons également Mecánicos piratas de Lima de Carlos Ferrand, NDDJ (Notre-Dame-du-Jambon) de Grace Singh et Sita Singh et Le spectre visible de Maxime Corbeil-Perron et Sarah Seené.
Dans la sélection internationale, les cinéphiles entiché·e·s du mélange de fiction et de documentaire trouveront de quoi se satisfaire. Excess Will Save Us de Morgane Dziurla-Petit fait cohabiter protagonistes réels et personnages fictifs dans l’univers éclaté d’un petit village du nord de la France, le tout dans un film au ton léger et comique qui n’empêche pourtant pas de dénoncer xénophobie et conservatisme.
D’un ton plus grave, Way Out Ahead of Us Rob Rice (États-Unis) part d’une situation réelle (deux parents qui gardent secrète la maladie incurable du père) et y ajoute une invention scénaristique (leur fille, incarnée par une actrice, qui souhaite quitter le domicile familial), dispositif qui permet d’atteindre des moments de vérité humaine à travers l’utilisation de la fiction.
Film d’archives et sur les archives, Herbaria de Leandro Listorti (Argentine, Allemagne) fait dialoguer cinéma et botanique sur les sujets de la préservation et de la mémoire, non sans rappeler la méthode de son œuvre précédente (La película infinita, 2018), réalisée à partir d’archives du musée du film de Buenos Aires.
Dans le registre feel good, Shabu, de la cinéaste arubaise-néerlandaise Shamira Raphaëla, suit un adolescent gaffeur qui enchaînes petits boulots, combines et rêves de grandeur pour payer une importante dette à sa grand-mère. La banlieue colorée de Rotterdam sert de scène à ce film rythmé et musical.
Luminum de Maximiliano Schonfeld promet d’être tout aussi divertissant : s’intéressant aux phénomènes d’origine extraterrestres répertoriés aux abords de la rivière Paraná en Argentine, le film met en vedette un attachant duo mère-fille, toutes deux ufologues et directrices d’un musée dédié aux ovnis.
Film français tourné au Manitoba, Churchill, Polar Bear Town de Annabelle Amoros se déroule dans une petite ville bleutée et enneigée qui devient, une fois par année, le lieu de migration des ours polaires, attirant autobus de touristes et problèmes de cohabitation.
Finalement, dans Crows Are White de Ashen Nadeem (États-Unis), le cinéaste issu d’une famille musulmane pieuse se rend au Japon pour trouver des réponses à ses questions existentielles, parcours qui le mène à se lier d’amitié avec un moine bouddhiste qui a guéri ses pensées suicidaires grâce au heavy metal.
Le festival propose cette année la formule « Doc-à-doc » : cinq cinéastes qui présentent leur film en première dans le cadre des RIDM 2022 ont été invité·e·s à programmer un documentaire qu’ils et elles considèrent comme important dans leur démarche de création. Ces projections gratuites sont suivies d’échanges entre les deux documentaristes, ce qui promet des discussions en profondeur sur les questions de création artistique et d’influences.
15 novembre 2022