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Festivals

TIFF 2015, jour 1: Hors du temps

par Helen Faradji

« Au TIFF, chaque minute compte ». La phrase entendue plusieurs fois au cours de cette première journée pour le moins menée sur les chapeaux de roues résonne tout particulièrement. Non parce que pour son 40e, le festival de Toronto semble avoir encore accentué sa légendaire abondance. Ni même parce qu’entre le festival conçu pour le public, celui pour l’industrie, celui pour la presse ou celui pour les stars, même une chatte n’y retrouverait pas les siens.

Non, bien plus parce qu’au milieu des premiers gros noms – cannois pour la plupart (Audiard, Weerasethakul Moretti, Zhang-ke, Villeneuve) – à avoir fait leur premier tour de piste aujourd’hui, deux films a priori in-rapprochables ont tout de même fait du temps un de leurs enjeux majeurs. Du temps ou de leur volonté de ne plus obéir au temps, faudrait-il dire.

C’est ainsi qu’André Turpin, de retour 14 ans après Un crabe dans la tête, a décidé de briser toutes les conventions spatio-temporelles dans Endorphine, récit où s’entrechoquent parfois sans finesse les états d’âme de Simone 12 ans (qui a assisté au meurtre de sa mère), Simone 25 ans et Simone 60 ans. Boucles narratives s’entrelaçant les unes aux autres, effets ni tout à fait oniriques, ni tout à fait cauchemardesques de déconstruction, jeux de montage constant… la bête lorgne du côté « art et essai » en lui faisant les gros yeux. Mais à la différence, par exemple d’un Denis Villeneuve qui, dans Enemy, se sortait par de jolis et inquiétants clins d’œil au film de genre des impossibilités spatio-temporelles, Turpin semble avoir mis sur la table tout ce qui traînait sans réellement se soucier de la cohérence ou de la solidité de son récit. Voulant faire un monde de l’inconscient de sa Simone, il finit par nous en exclure, nous en refusant les clés une après l’autre. Au milieu de cette proposition plus qu’étrange, reste Mylène Mackay, fragile et forte, brillant comme un diamant aux multiples égratignures au cœur d’un film trop conscient, justement, de ses effets.

Fallait-il plus de légèreté pour se débarrasser du temps ? Peut-être. Philippe Garrel, en tout cas, avec son Ombre des femmes, où un homme qui trompe sa femme découvre que sa femme le trompe, ne semble même pas s’être posé la question et c’ets très bien comme ça. Adultère, trahisons, coucheries, amour perdu et retrouvé, tout se vit à un rythme sérieux et insouciant à la fois, tonique et empesé, joyeux et triste. Dans un Paris tellement Nouvelle Vague qu’il en ferait caricature n’en était de ce noir et blanc doux et posé, quelques anachronismes aussi. Un téléphone cellulaire par ci, une mention d’euros par là. Peu importe, l’amour et ses complications traversent les temps, les époques en laissant toujours traîner ses effluves intoxicants. Une fantaisie grave d’un Garrel simple et humble… pour tuer le temps, oui, nous n’avons pas trouvé mieux. Surtout au TIFF.

 


11 septembre 2015