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Festivals

TIFF 2015, jour 3 : la tourmente

par Helen Faradji

Oui, bien sûr, le cliché est vrai : le festival de Toronto est bien cette antichambre des Oscar où les futurs auréolés viennent dévoiler leurs atouts. Une année qui s’annonce d’ailleurs déjà costaude rayon testostérone tant les performances d’acteurs s’y ramassent à la pelle. Idris Elba en chef de guerre sadique dans Beasts of No Nation, Johnny Depp en gangster terrorisant dans Black Mass, Ethan Hawke en Chet Baker dans Born to be blue, Eddie Redmayne en transgenre dans The Danish Girl (amateurs de pool, vous pouvez déjà miser), Ben Foster en Lance Armstrong, Bryan Cranston en Dalton Trumbo ou Tom Hardy non pas une mais deux fois, dans le plus artificiel que ça, on est dans un décor de jeu télévisé, Legend.

Mais pourtant, la journée aura été marquée par deux femmes, deux actrices, l’une inattendue, l’autre dont les qualificatifs ne semblent plus suffire pour dire la grandeur.

Rayon surprise, c’est d’abord l’hilarante et incisive stand up Sarah Silverman qui sous l’œil avisé et pris d’une inspiration aussi improbable que géniale d’Adam Salky se transforme dans I Smile Back en desperate housewive du New Jersey, aux prises avec 1001 démons que la drogue et le sexe ne l’aident pas à combattre. Si le film, joliment impressionniste par moments, qui maintient une juste ligne entre empathie et observation, se perd parfois dans une mise en scène un rien appuyée et par des choix musicaux redondants, Silverman y fait preuve d’une densité et d’une épaisseur dramatique rares. Du genre à donner des frissons. Du genre à se dire qu’elle vient, comme Steve Carell, de trouver son Foxcatcher. Mais sans prothèse. Du pur, du vrai, du qui vient du ventre.

Frissons aussi, devant Truth, première réalisation du scénariste de Zodiac, James Vanderbilt qui trouve en l’encore une fois magnétique Cate Blanchett une interprète à l’héroïsme nécessaire pour donner vie à Mary Mapes, productrice de l’émission 60 Minutes qui paiera de son job le fiasco de leur enquête en 2004 sur la présence de George W. Bush dans la Air National Guard du Texas pour éviter d’être envoyé au Vietnam. Un film à l’ancienne, classique, d’une mise en scène sobre et précise, malgré un abus de musique (là encore !) au lyrisme de supermarché, qui sert de véhicule à ses acteurs (Redford incarne Dan Rather, un choix évident), principalement Blanchett qui, impulsive et fonceuse, transforme son personnage en statue érigée à la gloire de l’intégrité journalistique.

Les filles au travail ? Oui, ça peut faire la différence.

 


13 septembre 2015